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Le barbeau comizo, un combattant redoutable

Le plus grand barbeau d’Europe vit en Espagne et au Portugal, dans les bassins du Tage et du Guadiana. Souvent pélagique, très puissant et volontiers prédateur, il alimente bien des fantasmes chez les pêcheurs sportifs. Michel Tarragnat, qui le pêche aux leurres depuis longtemps, dresse ici le portrait de ce colosse impressionnant.

Évoquez le comizo auprès de pêcheurs espagnols et vous obtiendrez ce commentaire : « Es un pez muy fuerte ! » Traduction : « C’est un poisson très fort ! » Sa défense est en effet spectaculaire quand il atteint ou dépasse les 70 cm, alliant la puissance d’une carpe et la vitesse d’un salmonidé. Le comizo est capable de franchir des cascades assez hautes lors de sa remontée vers les frayères. Les pêcheurs de carnassiers montés trop fin pour le sandre ou le black-bass se font régulièrement casser, parfois après vidage complet du moulinet. Même quand on est monté solide, les montages sont mis à rude épreuve lors du premier rush ou des puissants coups de tête qui suivent le ferrage. Un frein trop serré en particulier ne pardonne pas… La gueule du comizo est tendre mais solide, les décrochages très rares : pas besoin de ferrer comme un bûcheron pour planter l’hameçon. Les lèvres doivent être très sensibles car je n’ai jamais vu de poisson réagir aussi vite à la piqûre de l’hameçon.

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L’impressionnante gueule du barbeau comizo est néanmoins bordée de lèvres très sensibles capables de détecter immédiatement la piqûre d’un hameçon. Il faut être alors paré à encaisser le démarrage foudroyant qui va suivre.
Crédit photo : Michel Tarragnat

Un TGV à pleine vitesse

Je me souviendrai toujours de ma première rencontre avec un gros comizo. Sur le lac d’Alcantara, je pêchais paisiblement le sandre en verticale. Je ferre une tape assez discrète et dans le dixième de seconde qui suit, j’ai l’impression d’avoir accroché un TGV lancé à pleine vitesse. Le frein est trop serré. Le poisson file vers l’arrière du bateau et ma canne se prend dans le bras de support du sondeur, le frein hurle et le 28/100 du bas de ligne explose. Pendant ces quelques secondes, je me suis senti impuissant, dépassé par la situation. J’avais déjà pris avec ce matériel des comizos autour de 60 cm, livrant des combats honorables mais rien de comparable à ce déchaînement de puissance. J’ai donc entamé une recherche plus spécifique qui m’a permis de mieux connaître ce magnifique poisson, ses comportements, ses tenues et les modes de pêche aux leurres les plus rentables. Mes prises sont devenues plus régulières. Je plafonne encore à 85 cm mais j’ai touché de nombreux sujets de 70 à plus de 80 cm. C’est loin de la taille maxi mais assez pour s’offrir d’excellentes sensations, surtout sur un matériel relativement léger.

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En verticale, le jigging minnow, comme ce Jigging Rap (Rapala), quasiment pas animé, est le leurre de base. 
Crédit photo : Michel Tarragnat

Des tailles records

L’espèce peut atteindre des tailles considérables mais la littérature scientifique, qui donne une taille maxi de 82 cm, est totalement à côté de la plaque sur ce sujet. En réalité, les sujets de 80 à 85 cm (pour environ 7 kg) ne sont pas du tout rares. On voit sur la toile des photos de comizos jusqu’à 17 kg, ce qui doit représenter des poissons d’environ 1,10 ou 1,15 m. Dans la majorité des cas, ces records ont été capturés au posé, aux appâts naturels, par des carpistes ou bien des chasseurs de trophées. Les prises de comizo d’un mètre aux leurres ne sont pas non plus exceptionnelles.

Entre deux eaux

Bien qu’il soit omnivore et opportuniste, le régime alimentaire du barbeau comizo est essentiellement carné (larves, insectes, mollusques), les gros sujets étant volontiers piscivores. Sa bouche quasi horizontale le désigne comme une espèce bentho-pélagique, c’est-à-dire pouvant se nourrir sur le fond mais s’alimentant le plus souvent entre deux eaux. En surface aussi car il est fréquent de le voir gober, notamment sur La Serena. Ce n’est donc pas une espèce de fond comme notre barbeau commun, on peut le trouver dans toute la colonne d’eau. On le voit parfois au printemps et à l’automne, fouiller en bordure dans si peu d’eau que ses nageoires sortent à l’air libre. On le trouve aussi suspendu le long de falaises ou encore posé sur le fond, indétectable au sondeur, embusqué dans des arbres noyés, etc. D’une manière plus générale, le comizo affectionne les secteurs assez abrupts et plutôt encombrés (roches, arbres noyés), les pointes caillouteuses ou rocheuses, les queues de lac. En fait, on peut le trouver partout ! Assez grégaire quand il est jeune, il devient plus solitaire avec l’âge. Mais quand on trouve un barbeau adulte, il y en a souvent d’autres de même taille dans les parages. Ses tenues varient avec la saison et surtout la température de l’eau, un élément clef en Espagne.

L’incroyable défense que ce poisson est capable d’opposer fait partie du charme de sa pêche. Mais attention, la moindre faiblesse dans votre équipement sera vite sanctionnée. 
Crédit photo : Michel Tarragnat

Un peu de biologie

Luciobarbus comizo est le plus grand des six espèces de barbeau de la péninsule ibérique. Il diffère des autres par l’allongement de sa tête avec l’âge (plus d’un quart de la longueur totale), le museau devenant proéminent et concave. Les courts barbillons sont fins. La nageoire caudale, échancrée, forme deux lobes très pointus. La dorsale est plus proche de la queue que de la tête. Son premier rayon robuste est fortement dentelé. En période de reproduction (mai-juin), les mâles portent des boutons nuptiaux sur la tête. Les femelles sont en moyenne plus grandes que les mâles, avec une nageoire anale plus longue. La longévité est importante mais la croissance, assez lente, dépend du milieu et de la densité. Le comizo est souvent parasité par un genre de ver ancre, Lernaea cyprinacea, notamment sur le Guadiana.

Les bonnes saisons

Entre juillet et septembre, les couches superficielles atteignent parfois des niveaux inconnus en France, plus de 30°C, j’ai vu jusqu’à 34°C ! Le comizo ne craint ni l’eau chaude ni les faibles taux d’oxygène, mais s’il y a des couches plus tempérées en profondeur, il va s’y tenir de préférence. L’été, fuyant les bordures, il est souvent suspendu et pélagique, donc facile à trouver au sondeur, et agressif. C’est la meilleure option si vous supportez 35 à 41°C à l’ombre (ce qui, avec moins d’humidité, correspond à un bon 30-35°C en France).

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Le comizo n’a pas hésité à bondir de près de 4 m pour venir saisir le leurre animé en dents de scie entre deux eaux. 
Crédit photo : Michel Tarragnat

C'est oui ou non

Pour les pêches du bord, il faut éviter cette saison mais l’hiver, le comizo est nettement moins actif. Mieux vaut donc cibler le printemps (de mars à fin mai) et l’automne. Octobre est un très bon mois. En ce qui concerne sa capturabilité aux leurres, le comizo peut être hyper-agressif ou complètement indifférent ! En période d’activité, sa pêche ne présente aucune difficulté car il attaque quasiment tout ce qui passe, quelle que soit la vitesse de récupération. En verticale, j’en ai vu au sondeur monter de 5 m sur le leurre souple pour provoquer une touche à vous arracher la canne des mains. Mais c’est loin d’être toujours comme ça. Il est fréquent qu’il reste indifférent à tout type de leurre ou de présentation, se contentant de venir voir, d’observer avant de fuir. Dans ces moments-là, rien à faire, même une nymphe voire un beau lombric monté en drop-shot sont méprisés. Entre ces deux extrêmes, il y a pas mal de situations où il reste prenable mais pas avec n’importe quoi. D’après mon expérience, en dehors des périodes de chasse active, le lancer-ramener n’est pas l’approche la plus productive. Le comizo est plus réceptif aux animations saccadées ou à une quasi-absence d’animation.

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Comme Michel ici, il n’est pas rare de se faire surprendre en pêchant, le sandre au drop-shot. Sur des poissons ne dépassant pas les 70 cm, le coup reste jouable.
Crédit photo : Michel Tarragnat

Les classiques

Plomb-palette, jigging spoons ou lames animées en dents de scie sont des classiques efficaces, comme un leurre souple lesté, animé près du fond par tirées sèches. Quand les comizos sont sur les bordures, la pêche à vue est possible. Les jerkbait minnows de 8 à 12 cm peuvent donner de bons résultats sur des poissons postés ou en maraude, avec des attaques parfois foudroyantes. Quand ils fouillent, c’est plus compliqué car ils cherchent des larves et sont peu agressifs voire carrément farouches. On peut tenter de petits leurres souples, mais avec très peu voire pas de plomb, difficiles à lancer sans trop s’approcher. Le simple ploc d’un plomb de quelques grammes suffit à semer la panique. La pêche au fouet serait sans doute plus adaptée dans ces circonstances, avec une imitation de larve, type gammare.

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C’est dans les grandes retenues espagnoles que vous aurez les meilleures chances de tomber sur de gros spécimens. De belles émotions en perspective.
Crédit photo : Michel Tarragnat

Au sondeur

Enfin leur pêche en mode pélagique peut se pratiquer en verticale, dans le faisceau du sondeur ou à distance, une fois qu’on a trouvé la bonne profondeur. Du bord, ça semble très compliqué d’autant que les meilleurs secteurs sont souvent des falaises ou des défilés peu accessibles. Un leurre souple (finesse de préférence) de 7 à 12 cm peut donner de bons résultats notamment pour les plus gros sujets, mais le leurre le plus régulier pour cette technique est le jigging minnow, type Jigging Rap (Rapala) ou équivalent, de taille moyenne (7 cm, 18 g). Contrairement à son utilisation classique, il ne faut quasiment pas l’animer. On se tient à la profondeur où l’on a repéré les poissons et on dérive lentement : dès que l’un d’eux apparaît au sondeur, on donne une toute petite secousse pour attirer son attention et on attend. Si tout va bien, il s’approche et prend. Par moments, c’est quasiment du 100 %, à d’autres c’est niet… C’est la pêche !

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Le leurre souple, type finesse pas trop gros, peut être utilement mis à profit en verticale sur des échos dûment repérés entre deux eaux. Car, contrairement à notre barbeau commun, le comizo lui est très volontiers pélagique.
Crédit photo : Michel Tarragnat

Quelques spots intéressants

  • Cijara, intéressant pour la taille moyenne des prises (60 à 70 cm), est celui où l’on a le plus de chances de toucher un plus de 80 cm. Dix poissons est un bon score qu’on n’atteint pas à chaque sortie.
  • La Serena est connue pour sa densité, avec une taille moyenne assez basse, les plus gros tournant autour de 60-70 cm. C’est un bon lac pour pêcher à la mouche, car à la belle saison on y voit beaucoup de poissons en bordure ou de gobages en pleine eau.
  • Orellana et Garcia Solaont des comizos de grande taille mais aux leurres, on compte ici plutôt sur les captures accidentelles.
  • Sur le Tage, la densité est meilleure sur Valdecañas, même si Alcantara est réputé pour ses très gros sujets. Gros sujets sur Buendia et Bolarque, Entrepeñas est réputé pour ses densités.

 

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