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Le brochet a-t-il une bonne vue ? Voit-il les couleurs des leurres ?

Pendant que le pêcheur a besoin de lunettes de soleil, le brochet, parfaitement adapté pour chasser en pleine lumière, possède ses filtres solaires intégrés !

Crédit photo Bill François
La couleur des leurres est un sujet de discussions sans fin chez les pêcheurs. Mais que dit la science sur la vue de notre brochet ?

Cet article se base sur une dizaine d’études scientifiques réalisées entre les années 1960 et 2019, qui ont analysé les yeux des carnassiers et en particulier ceux du brochet. Le sujet est somme toute relativement mal connu ; il y a eu très peu d’expériences, mais les conclusions des chercheurs apportent quelques clés intéressantes sur la manière dont le brochet voit son environnement.

Un prédateur visuel

Un brochet aveugle peut très bien chasser en percevant seulement les vibrations de l’eau; la vue n’est pas indispensable à sa survie. Ce n’en est pas moins un sens très développé chez Esox lucius, prédateur habitué à chasser en pleine lumière. Il n’y a qu’à regarder la tête du brochet pour s’en convaincre. Elle est façonnée pour optimiser la vision de l’animal. Le long du museau, deux sillons sombres forment un V, creusé dans la mâchoire supérieure. Cela permet au poisson d’élargir son champ de vision et de mieux voir devant lui. Ainsi, bien que ses yeux soient situés sur les côtés, l’animal arrive à voir devant lui sans angle mort et, mieux, à y voir avec les deux yeux à la fois. C’est très important, car qui dit « vision binoculaire » dit « possibilité de voir en 3D », et donc d’estimer les distances… La vue du brochet serait surtout précise à moyenne distance, autour d’un mètre.

Il ne faut pas confondre l’eau turbide, où des particules en suspension dispersent la lumière et floutent tout, et l’eau teintée, où seules les couleurs sont affectées.
Crédit photo : Bill François

Mascara de chasse

Quand le brochet est jeune, jusqu’à une vingtaine de centimètres, sa tête porte une autre aide à la vision : les larmiers. Ce sont des lignes noires sous les yeux, comme si du maquillage en avait coulé. Ces traits permettent au brocheton de mieux focaliser son regard vers le bas, en empêchant des reflets intempestifs de l’éblouir dans cette direction. Le sifflet peut ainsi fondre sur une proie au-dessus de lui, depuis un affût dans les herbiers en surface. Avec l’âge, les larmiers disparaissent, sauf chez le brochet aquitain et le pickerel ou brochet maillé d’Amérique du Nord, qui portent encore leurs « peintures de chasse » à l’âge adulte.

L’œil du brochet est recouvert d’une cornée jaune qui filtre les UV et les lumières bleues et violettes.
Crédit photo : Bill François

Lunettes de soleil

L’œil du brochet semble souvent assez jaune. En fait, c’est la cornée qui est teintée. Cela fait office de lunettes de soleil, qui suppriment tous les rayonnements UV et de courtes longueurs d’onde, jusqu’à 500 nanomètres, c’est-à-dire toutes les couleurs plus « froides » que le bleu-turquoise. En d’autres termes, toutes les lumières de couleur bleue ou violette sont filtrées par la cornée du brochet; les objets bleus lui paraissent donc noirs. C’est en fait une adaptation très pratique : ainsi, le brochet supprime les rayons lumineux éblouissants lorsqu’il chasse près de la surface !

Un daltonien

Cependant, les couleurs vertes, jaunes, rouges et oranges sont bien captées par le brochet. Et il arrive à discerner les couleurs. Maître Esox ne possède toutefois que deux types de cônes (les cellules de la rétine qui captent les couleurs) contre trois chez l’humain; il faut donc imaginer que sa vue est celle d’un daltonien, si on la compare à la nôtre. La plupart des carnassiers (perche, sandre…) ont deux types de cônes et distinguent ainsi les couleurs un peu moins bien que nous. Les poissons blancs, à l’inverse, en ont quatre. Ils voient les nuances de couleurs bien plus précisément, d’autant plus qu’ils détectent aussi les ultraviolets ! Par rapport à un gardon, c’est nous qui sommes daltoniens…

Le tapetum lucidum, miroir situé au fond de l’œil du sandre, lui permet de détecter ses proies même quand la luminosité est très faible.
Crédit photo : Bill François

Question de contraste

Pour détecter ses proies, l’important du point de vue du prédateur est d’optimiser la formation des images sur sa rétine, donc le contraste. Plus l’image s’y forme vite et nettement, plus le prédateur est efficace. Par conséquent, une eau trouble et turbide et une eau limpide mais teintée n’auront pas du tout le même effet. L’eau turbide (lors d’une crue par exemple), diffusant la lumière sur les particules en suspension, empêche directement les images de se former et diminue alors d’autant l’efficacité de la vue des carnassiers. L’eau juste teintée (dans les lacs suédois par exemple), au contraire, n’empêche pas les images de se former. Elle modifie seulement la perception des couleurs, mais pas celle des formes, et a donc moins d’impact sur le prédateur. Dans tous les cas, le prédateur doit optimiser la captation de la lumière sur sa rétine pour voir les proies au plus vite. Et à ce jeu, le champion n’est pas le brochet mais le sandre. Il parvient à y voir clair même dans de très mauvaises visibilités, grâce à son tapetum lucidum, un miroir qui tapisse le fond de son œil et lui permet d’y concentrer un maximum de lumière. C’est à cause de ce miroir que l’œil du sandre brille face à un flash.

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Biologie – Environnement

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