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Brochets en duo à la sauce hollandaise

Pêcher des canaux rectilignes peut de prime abord en décourager plus d’un. Pas facile de les aborder, de trouver les bons postes et de rendre leur pêche ludique. Un petit tour à Rotterdam pour rencontrer un jeune prodige de la pêche aux leurres, Tom le Doyen, accompagné de son fidèle et non moins talentueux partenaire, Florent Neveux, et soudain les choses deviennent un jeu d’enfants, pardon, de gentlemen !

Curieux pays que les Pays-Bas qui dament le pion à la Belgique, non pas tant pour sa petitesse mais pour sa densité de population, qui est la plus importante au monde proportionnellement à sa superficie (devant le Japon, CQFD!). Les villes se perdent dans des zones industrielles tentaculaires reliées par un réseau d’autoroutes, véritable écheveau d’asphalte. Rien de très bucolique de prime abord. Mais c’est oublier que cet univers urbanisé cohabite avec l’élément liquide. L’eau est omniprésente puisque ce pays se situe en dessous du niveau de la mer. Au cours des siècles, le génie civil et hydraulique a permis au peuple néerlandais de gagner de précieuses terres arables grâce au système des polders, véritables petits morceaux de nature protégés par des digues. Pas étonnant que le pays creux compte parmi les meilleures destinations halieutiques en Europe, notamment pour la pêche des carnassiers. De là à penser que les Néerlandais sont les inventeurs du streetfishing…

Nos deux amis belges aiment à fréquenter les eaux bataves.
Crédit photo : David Gauduchon

Deux jeunes champions belges dans l’air du temps

Casquette vissée sur la tête, sneakers rutilantes, sweat branché, Tom le Doyen, surnommé Din, est à peine débarqué de la voiture qu’il se jette sur le coffre pour empoigner son matériel, deux cannes et un sac de leurres pour le moins proéminent. Son compère, Florent Neveux, semble de nature plus calme bien qu’il ait subi, lui aussi, les embouteillages depuis la Belgique où tous deux résident. La traversée de la Hollande n’est pas un long fleuve tranquille. Nos deux pêcheurs, à la solide réputation de compétiteurs m’ont donné rendez-vous en plein centre de Rotterdam, le long d’un large canal bordé de terrasses de cafés.

Âgé de 20 ans, Tom le Doyen est étudiant en marketing. Pêcheur et compétiteur de carnassiers passionné, sa réputation lui vaut d’être membre de la team Savage Gear Belgique.
Crédit photo : David Gauduchon

Le doux soleil automnal baigne la ville qui profite du week‑end, le bal des vélos qui s’entrecroisent nécessite quand même de garder un œil ouvert, ne serait-ce pour ne pas en accrocher sur un lancer arrière – le type d’incident qui arrive plus souvent qu’on ne le croit, quand ce n’est pas un byker sur sa Harley Davidson, mais c’est là un autre sujet. Tom et Florent décident de débuter leur prospection en longeant un quai qui borde un canal d’une trentaine de mètres de large. Tom a opté pour un leurre dur, un 4 Play coulant nouvelle génération, qui lui a bien réussi lors d’une compétition sur le même secteur la semaine passée. Son partenaire joue la carte de la complémentarité avec un Cannibal shad, coloris perche, des leurres plutôt petits (moins de 15 cm) bien que le snoek (brochet en néerlandais) soit visé en priorité. Pas un souffle de vent, le canal reflète la silhouette des arbres et l’architecture des bâtiments qui s’élèvent en arrière-plan, un Vermeer du XXIe siècle en somme. L’épuisette que Tom trimbale sur son dos laisse à penser qu’ici tout peut arriver. Le garçon, un peu nerveux par la volonté de bien faire, n’en reste pas moins concentré et fait passer son leurre entre des massifs d’herbiers avant de lui faire longer la structure du quai avec insistance. Florent se tient 30 mètres en aval, là où un ponton en bois décrit une belle courbe. Son animation est plus lente, entrecoupée de relâchés et de courtes pauses sur le fond. L’armement placé sur le dos du leurre lui évite bien des désagréments.

Une première capture qui donne de l’espoir.
Crédit photo : David Gauduchon

Un premier ferrage et c’est un sifflet qui se retrouve coiffé d’un shad plus long que sa tête. C’est un indice intéressant. Les deux amis partagent instantanément l’information. Tom à son tour passe sur du souple plombé en seulement 5 g car la profondeur du canal n’excède pas deux mètres. « Il y a huit jours, nous avons participé à une compétition que nous avons remportée avec des leurres de réaction. La pêche va probablement être difficile. Mais nous aimons les challenges… Il faut savoir que la pression de pêche dans les canaux en Hollande est devenue forte suite à une médiatisation importante. La densité de brochets n’en reste pas moins intéressante puisqu’ici, il ne finit pas culturellement dans un congélateur. Nous avons donc affaire à des poissons éduqués notamment les beaux spécimens », explique Tom, qui opte pour un coloris plus clair, un coloris Pike, de 12,5 cm.

La mobilité avant tout

Un sac de transport sur le dos dans lesquels sont rangés de nombreuses boîtes compartimentées, classées par type de leurres, un outillage et des consommables dûment sélectionnés, une épuisette qui en dit long sur les motivations, Tom le Doyen se déplace généralement, au minimum, avec deux cannes, voire trois, afin de faire face à différentes éventualités (type de leurres, d’animation). Une canne plus légère, comme ici, lui permettra de répondre à une chasse de perches si elle se présente. Ne jamais être pris au dépourvu tout en conservant une grande mobilité semble être un des leitmotivs de Tom !

Cannibal shad et 4 Play, les deux armes de nos amis.
Crédit photo : David Gauduchon

Un succès en demi-teinte

Florent est à nouveau aux prises avec un brochet, plus beau cette fois. Ferré à l’aplomb du ponton, le poisson a foncé littéralement dessous, faisant décrire à la canne une courbe dangereuse. Mais les deux amis sont rodés. Une main sous le blank, le pouce sur le moulinet, Florent ne lui concède pas un mètre de plus. Tom, qui a déployé sa large épuisette à la vitesse de l’éclair, est déjà à la manœuvre. C’est un brochet de 80 cm, à la robe olive et au dos sombre, en parfaite condition, qui est immédiatement relâché. Comme quoi la vie citadine a du bon ! Le compteur enclenché, Tom et Florent décident de changer de secteur après une courte hésitation : « On file vers l’ouest ou l’est ? » Bien que la ville repose sur un maillage de canaux, la question n’est pas si anodine que cela car selon les niveaux et la couleur de l’eau, la présence d’herbiers faucardés ou non, certains quartiers sont meilleurs que d’autres, les brochets, tout comme les perches, n’hésitent pas à migrer. Autrement dit, certains canaux, à une période donnée, sont quasi désertés ! Une information qu’il faut avoir en tête lorsqu’on vient pêcher ici, au risque de déconvenues.

Malgré un environnement urbanisé, la capture de beaux brochets est ici loin d’être accidentelle.
Crédit photo : David Gauduchon

Téléphone portable et réseau d’amis pêcheurs sont de précieux auxiliaires. Le SMS tombe « filer plutôt vers le sud-ouest, légèrement en périphérie, les gars ! » « Radio Gouda », une fois encore, fonctionne ! Le temps de la balade, Tom ne peut s’empêcher de lancer son leurre au croisement d’une écluse, entre deux ponts, près des bites d’amarrage en bois, quitte à jouer les équilibristes, à califourchon sur une rambarde ou en équilibre sur une pile, souvent en surplomb afin de voir les brochets attaquer le leurre dans peu d’eau, pour le fun ! Mais le changement de quartier s’impose, car à part quelques montées courtes et un joli remous en surface, le compteur est resté bloqué tandis que la luminosité se faisait plus forte.

Pêcher ici est synonyme de pêche de mouvement
Crédit photo : David Gauduchon

Trouver les hot spots

Après quinze minutes d’une marche sportive, un quartier plus résidentiel se dévoile, les pelouses et les massifs sont parfaitement entretenus. De là à se croire en pleine nature… Les canaux sont plus étroits et, à la jonction de certains, se forment de petites retenues d’eau. « Quand on pêche les canaux, il faut être à la recherche du moindre accident de terrain, de la moindre structure, de la moindre “anomalie” qui vient rompre leur régularité monotone. C’est une approche plus subtile qui n’y paraît. Il ne suffit pas de lancer à 45 degrés pour déclencher des attaques. La précision est de mise car dans ces petits milieux riches en poisson fourrage, les carnassiers sont plutôt d’humeur paresseuse. Il faut les pousser dans leur retranchement. Postés, ils vont le plus souvent avoir un réflexe de territorialité. Bien entendu, il y a des phases alimentaires où l’on peut surprendre une chasse mais la plupart du temps, c’est la guerre des nerfs qui prévaut ! » explique Florent qui tente de nous faire la démonstration dans un canal en forme de cul-de-sac. 25 mètres plus haut, sur la rive gauche qui n’est pas accessible, il prend pour repère un massif de joncs. Il sait le secteur habité pour avoir déjà décroché un beau poisson. Lancers appuyés, discrets et précis, changements d’animation, de modèles de shad, tout y passe avec un certain sens de la méthode. Au bout de quinze minutes, c’est finalement la touche, sur un Cannibal shad (encore lui, mais cette fois en 15 cm), modèle présenté en début de prospection. Cela valait le coup d’insister, preuve que les « snoeks » sont parfois aussi difficiles à séduire qu’une belle Hollandaise !

Un joli bec qui a bien coffré ce leurre souple.
Crédit photo : David Gauduchon

Un beau brochet métré

Quant à Tom, il est un peu sur les dents puisqu’il est capot pour l’heure ! On sent chez lui quelques signes d’exaspération, son mental de compétiteur est mis à mal, sa réputation aussi (enfin le pense-t-il !) car il est admis, en pays flamand, qu’il a tout d’un jeune prodige de la pêche aux leurres. Ses résultats en compétition parlent pour lui et un sponsor important lui accorde toute sa confiance. « Ça va aller gars ! Reste calme et concentré ! Ça va rentrer ! » lui lâche Flo qui s’en veut presque d’avoir creusé l’écart. Mais c’est bien dans l’adversité que Tom semble se révéler. Plongé dans une forme de mutisme, hyperconcentré, il prend coup sur coup deux brochets, dans la demi-heure qui suit, un à l’aplomb d’un saule, l’autre dans l’ombre d’un passage piétonnier après un beau lancer en skipping. La pression retombée, c’est en retournant dans le canal en cul-de-sac qu’il portera le coup de grâce ! Un brochet métré posté sur la berge en face de son ami Florent. « Je ne sais pas pourquoi, une intuition, mais j’avais envie derepasser avec un Smash tail, un leurre de surface de 17 cm. » Tom a retrouvé le sourire avec l’insolence de la jeunesse ! On lui pardonnera !

Un joli métré pour Tom qui vient finir en beauté cette magnifique journée dans les eaux de Rotterdam
Crédit photo : David Gauduchon

Une appli au cm près

L’amateurisme n’a pas de place en Hollande dès lors qu’il est question de pêche. L’application « Visplanner » est un outil très pratique pour qui veut prendre son permis de pêche (attention les contrôles sont nombreux !), s’informer sur les coins de pêche par région et leurs opportunités par espèce et bien plus encore. Très pratique, la géolocalisation du pêcheur où qu’il se trouve lui permet de se repérer facilement, par exemple, dans les réseaux des canaux, véritables labyrinthes aquatiques. Les fonds de carte recensent un tas d’informations comme les zones en réserves ou no-kill, etc. Si, comme moi, vous ne parlez pas couramment le néerlandais, aidez-vous des pictos ! À quand une version en anglais ? Visplanner à télécharger dans Google Play ou dans Apple Store. https://www.visplanner.nl.


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Magazine n°120 - Octobre à décembre 2020

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