Curl tail géant : le joker pour gros brochets

Ces grosses virgules offrent des champs d’applications multiples et peuvent couvrir presque toutes les situations dans des eaux aussi variées les unes que les autres. Si vous n’en avez pas encore dans vos boîtes ou que vous les avez oubliés, c’est le moment de mettre une corde de plus à votre arc ! Quand j’évoque les grosses virgules, je parle de leurres qui font au moins 20 centimètres, qui pèsent plusieurs dizaines de grammes et nécessitent l’utilisation d’un matériel adapté. La canne doit pouvoir propulser un leurre de 80 g au moins et posséder suffisamment de puissance pour permettre un ferrage efficace. D’abord, parce qu’il faut compenser l’inertie d’un leurre lourd ; ensuite, car il faut le déplacer dans la bouche d’un poisson qui a priori possède beaucoup de force dans la mâchoire. Le corps de ligne doit lui-même être puissant afin d’absorber un lancer raté et d’encaisser les ferrages et les rushs d’un gros poisson contre un frein serré. Vous l’aurez compris, nous sommes dans le monde du big bait. Tout d’abord, les grosses virgules imitent de nombreuses proies de forme allongée ou serpentiformes présentes dans les lacs et rivières. Les anguilles, les lamproies et les sangsues font partie intégrante du régime alimentaire du brochet. Elles sont bien souvent grasses (anguilles) et riches en protéines (sangsues) et sont ainsi toutes désignées pour être la cible privilégiée, voire exclusive, des prédateurs certains jours.

Une force d’attraction qui tient en plusieurs points

Quand les eaux sont très froides, dans les lacs qui en sont pourvus (et il y en a bien plus que vous ne le soupçonnez !) les sangsues sont particulièrement recherchées. J’ai déjà connu la situation où les brochets ne « tapaient » que des grosses virgules noires (genre Sandra 15 cm). Ils recrachaient même ces sangsues au moment du décrochage. De là à penser que c’était la seule proie, et donc le seul pattern du jour, il n’y a qu’un tout petit pas… Il en est de même dans les rivières qui hébergent des populations d’anguilles importantes. À l’automne et au début d’hiver, lors des migrations des anguilles, les brochets oublient parfois tout ce qui ressemble à un gardon pour se focaliser sur cette proie riche en calories et sûrement facile à avaler. En Irlande, le Bull Dawg est souvent le leurre incontesté en octobre. Mais c’est pareil dans la Seine et probablement dans de nombreux autres cours d’eau ! Les grandes virgules offrent des vibrations puissantes mais relativement discrètes. Les ondulations de la queue produisent des vibrations basses fréquences qui sont perceptibles de loin et sont captées par la ligne latérale. Ces vibrations, bien moins violentes que celles d’un shad, et à plus forte raison d’un leurre dur, savent déclencher l’attaque de poissons éduqués qui peuvent refuser les sollicitations excessives. En effet, trop de vibrations, ou de signaux de manière générale, tuent « le signal » et peuvent alors faire office d’épouvantail, inhibant la séquence d’attaque ! Plus les poissons sont vieux et expérimentés, plus ils deviennent méfiants. Ce sont logiquement les plus gros sujets. En apportant une présentation différente, en collant à certaines formes de prédations et en limitant la méfiance des gros sujets, les gros curl tails représentent donc un formidable outil à notre disposition.

La polyvalence de l’armement

Il existe de nombreuses façons d’armer et de présenter une grosse virgule. Cela va dépendre du leurre et de l’application à laquelle on le destine. Ces leurres souples sont extrêmement versatiles et s’adaptent à bien des situations. Les montages 360 (ou hélicoptère) sont parfaits pour pêcher profond et aller chercher les prédateurs dans plusieurs mètres d’eau. L’armement est constitué d’une tête plombée à laquelle on vient connecter un triple ventral placé au premier tiers avant du leurre. Les deux sont, idéalement, reliés par un émerillon baril qui limitera considérablement les décrochés. Le grammage de la tête plombée déterminera la profondeur de nage, la vitesse d’immersion ou de cranking. Logiquement, plus la tête plombée est lourde et plus les animations seront rapides. On pourra alors prospecter une fosse, canne haute, en contrôlant la descente et en peignant le tombant, exactement comme on le ferait avec un shad. Mais ce montage autorise aussi le cranking en pleine eau, au-dessus d’une boule de poisson fourrage, ou dans le lit de la rivière. La famille des Bull Dawg (finalement assez peu utilisée en France) est déjà armée d’un triple ventral et d’un autre monté à la jonction de la queue et du dos (parfois d’un simple). Outre leurs queues très mobiles, ces leurres ont la particularité de posséder un corps volumineux qui déplace beaucoup d’eau. Ils sont, à mon sens, les champions du cranking. Les montages screw rig (montage à visser dans le nez du leurre avec deux triples ventraux), si chers aux gros shads, habillent également très bien notre leurre du jour. C’est un choix judicieux si les profondeurs du secteur de pêche varient beaucoup et qu’il faut alterner pêche dans les shallows et pêche plus profonde. Un petit plomb rajouté sur le nez du leurre fera davantage couler votre montage, initialement parfait pour passer au-dessus des herbiers !

À toutes les profondeurs

Quelle que soit la topographie de votre secteur, les grosses virgules pourront être utilisées, dans les grandes profondeurs comme dans les shallows. Lorsqu’elles sont plombées en tête, vous pouvez gratter le fond ou un tombant, canne haute en « tirer relâcher ». En gardant le contact, fil tendu, votre curl tail pourra épouser la topographie du spot et venir solliciter au plus près les poissons posés sur le fond ou sur le cassant. Mais à mon sens, c’est en cranking, en pleine eau, qu’ils sont les plus efficaces. Je n’hésite pas à les ramener assez vite en jouant sur les accélérations, afin de créer un « mouvement de fuite ». Je pratique la plupart de ces accélérations au moulinet, canne basse. À la pause, le leurre chute brutalement, à angle droit avec sa trajectoire initiale. Cette rupture de rythme et de direction déclenche souvent les poissons suiveurs. Mais c’est dans les phases d’accélération que les poissons attaquent votre leurre. Ils s’en saisissent en général par l’arrière et engament franchement, provoquant un arrêt et une touche marqués. À cet égard, j’ai tendance à limiter l’armement à un simple et un triple, même sur les leurres de 25/30 cm. De cette façon, il y a peu de ratés. Dans les zones plus profondes, les gros curl tails savent très bien, à la façon des gros swimbaits, faire sortir les gros de la masse de poissons fourrage qu’ils sont en train de surveiller. Je parle souvent de ce phénomène qui consiste à pêcher loin au-dessus d’une grosse boule de « blancs ». Les poissons « montent » chasser cet inconnu dont la silhouette se détache sous la surface et qui se promène à l’extérieur du troupeau… Les curl tails, ramenés entre deux eaux, se prêtent très bien à cet exercice, souvent rencontrés à l’automne ou en début d’hiver.

Un vaste choix

Conscients de la force d’attraction de ces grosses virgules, les fabricants se sont tous lancés dans la commercialisation de leur propre gamme. Les modèles sont donc nombreux et tous plus beaux les uns que les autres… Personnellement, je n’utilise que les plus efficaces. Si mon intuition me porte vers des petits modèles (disons 15 cm), je monte généralement un Sandra. Leurre mythique conçu et produit par la société Delalande depuis des années, il n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction. Son prix modéré et la gamme des coloris font le reste. Un Sandra noir de 15 cm est souvent un anti-bredouille en début de saison. Les célèbres Bull Dawgs, conçus de l’autre côté de l’Atlantique pour le Muskie, ont des gommes très dures. Je leur préfère largement les DLT Bulcat, aisés à trouver. Ils sont fragiles mais ils déclenchent beaucoup de touches. Les deux premières tailles sont très facilement utilisables : 15 cm (68 g) et 19 cm (145 g). Les Storm RIP Curly tail sont très bons depuis que la gomme a été changée (par rapport à la première version…). Ils sont économiques, acceptent tous les montages et déclenchent de nombreuses touches. Mention spéciale aux coloris MO et RHE… Chez le même fabricant, beaucoup de pêcheurs de brochets utilisent avec bonheur le Giant Tail Seeker shad. Ce gros curl tail est conçu autour d’une coque rigide qui lui donne une nage unique. Ce modèle est redoutable sur les tombants. Il descend doucement, porté par la queue qui fait office de parachute. Unique. Enfin, impossible de ne pas citer l’Otus (Rapala), qui combine une grosse virgule à un corps « dur » en résine. Le rolling est lent et marqué. De plus, tous les signaux émis par l’ensemble sont redoutables. Les très gros poissons s’y intéressent. À bon entendeur ! Aujourd’hui, tous les pêcheurs réguliers de brochets possèdent une canne capable de propulser ces géants. Pour une somme modique, il est possible d’enrichir ses gammes de leurres de quelques gros curl tails, pour votre plus grand profit. Ils sauront décider les poissons récalcitrants et optimiser une partie de pêche, quand ce n’est pas carrément le pattern du jour. Certains spécialistes ne jurent aujourd’hui que par eux, et ce n’est pas pour rien.