Le lac de Madine, un paradis pour les carpistes

=Il est toujours utile de savoir où l’on met les pieds lorsque l’on foule pour la première fois les berges d’un lac. Connaître son histoire permet non seulement d’enrichir sa culture personnelle mais cela apporte aussi des informations nécessaires à notre approche. Le lac de Madine est un lac artificiel, situé en Lorraine, à cheval sur les départements de Meurthe et Moselle et de la Meuse. Il se situe à une quarantaine de kilomètres de la ville de Metz, entre Nancy et Verdun. Sa construction a commencé au début des années 70 et a ouvert officiellement en 1978.

Le lac a trois vocations, d’abord destiné à devenir la réserve d’eau potable de la ville de Metz, c’est également une réserve nationale de chasse et une grande zone de loisirs puisqu’on y trouve plusieurs plages et un grand port de plaisance. Cette réserve nationale abrite une faune sauvage et une biodiversité conséquente ayant conduit à son classement en zone « Natura 2000 » et à une législation en conséquence. La zone de l’observatoire à oiseaux permet d’ailleurs de voir et de photographier des milans, busards et superbes faucons. Elle n’en reste pas moins une zone très intéressante pour la pêche en journée mais nous y reviendrons plus tard. Le site est également bordé de villages médiévaux et l’on trouve encore certains chemins de l’époque dans les profondeurs du lac. On notera aussi la célèbre butte de Montsec qu’il est toujours sympa de visiter et qui offre une vue imprenable sur le lac.

Le lac s’étend sur 1100 hectares, il mesure environ 5 kilomètres de long et sa largeur est comprise entre 500m et un peu plus de 2 km, pour une profondeur moyenne de 2,50 mètres environ. La zone la plus profonde se situe au niveau du réservoir et avoisine les 11 mètres. Les fonds sont relativement irréguliers et la configuration est très changeante, de nombreux hauts fonds, plateaux, routes noyées en font un lac relativement technique à pêcher. Quatre anciens étangs ont été immergés et on y trouve également le lit tortueux de l’ancienne rivière Madine, un sous affluent de la rivière Moselle mais aussi des vestiges d’anciennes bergeries et même des bunkers.

La réglementation

Le lac de Madine est un plan d’eau du domaine privé, classé en eau libre de deuxième catégorie et réglementé par un arrêté préfectoral. La pêche est gérée par l’AAPPMA « les pêcheurs de Madine » et plusieurs timbres propres à cette AAPPMA doivent être acquittés. En plus du timbre national CPMA vous aurez besoin de la carte de nuit et d’un timbre autorisant la navigation. Veillez à bien vous renseigner sur la législation et les autorisations en cours puisque la réglementation change en été ou en hiver, notamment quant aux zones de quiétude.

Chacun reste responsable de ses agissements ce à quoi la garderie, omniprésente, ne manque pas de veiller. Comme souvent en grand lac, de nombreuses zones ne sont accessibles qu’en bateau or seul le moteur électrique est autorisé. Certains services de rechargement des batteries etc. sont proposés en supplément sur certains postes. Le lac dispose de quatre mises à l’eau : le chalet des plongeurs, Heudicourt, Nonsard et Montsec.

Un cheptel qui fait rêver

C’est à la fin des années 90 que de nombreux pêcheurs médiatisés se sont attachés à découvrir le cheptel qui nageait à Madine. A l’époque déjà la moyenne était relativement haute et il n’était pas rare de voir poser sur les tapis de réception de nombreux sujets de plus de 20 kilos. La pêche n’y était en ces temps-là pas très compliquée. Pour dire, j’effectuais de nombreuses courtes sessions sans même utiliser de bateau parfois, avec de très bons résultats. Il était alors possible de prendre des poissons régulièrement très près du bord. Ces mêmes années, une carpe géante a affolé la toile puisqu’elle dépassait largement la barre des 30 kilos.

Pour l’époque, ce poisson était un véritable trophée et le record de Madine. Malheureusement, le pêcheur peu scrupuleux qui a attrapé ce poisson l’a déplacé dans une de ses « pêcheries » privée. Ce poisson a très vite perdu beaucoup de poids. D’une part on ne peut pas cautionner de tels agissements (NDLR : désormais illégaux) et d’autre part je vous laisse imaginer le sort de ce poisson qui est passé d’un réservoir de 1100 hectares à un étang d’à peine 15 hectares. C’est malheureusement un fléau qui gangrène notre passion et j’ose espérer que les mentalités évolueront.

Avec cette affaire nous savions donc que le lac hébergeait des géantes et qu’il pouvait réserver de très belles surprises. Peu de temps après, une compétition internationale allait faire de Madine son fief et, au fil de ses différentes éditions, la scène carpe allait découvrir le cheptel hallucinant du lac. Cette compétition populaire fait s’affronter des centaines de pêcheurs et pour certains, sur des zones interdites à la pêche en temps normal. A l’occasion de ces événements, nous allions connaître d’années en années le potentiel en gros poissons de Madine. Une quantité impressionnante de carpes de plus de 20 et même de 25 kilos allaient être mises en lumière. C’est donc assez logiquement que les spécimens hunter et amoureux des grosses carpes allaient jeter leur dévolu sur le lac et commençaient à s’y attacher sérieusement.

C’est également sans compter sur plusieurs films réalisés ici dont un qui a marqué de nombreux esprits avec Rod Hutchinson et Steve Briggs. Afin de préserver le cheptel et d’éviter les agissements de certains, dont le vol de poissons, des amoureux du lac avaient eu la bonne idée de créer une page recensant toutes les prises de plus de 18 kilos. Vous pouvez d’ailleurs jeter un œil sur Facebook, cette page révélant l’existence de plusieurs sujets différents de plus de 30 kilos (sans compter celles qui n’ont jamais croisé le fer d’un hameçon et qui nagent en résidentes dans les nombreuses zones de quiétude).

Je n’ai jamais eu par mon réseau d’écho de carpes de plus de 35 kilos prises à Madine, même si je suis intimement convaincu que quelques sujets de ce poids hors norme y nagent. Lors d’un après-midi d’été alors que je naviguais à proximité d’une réserve, j’ai vu nager sous mon zodiac entre des bandes potamots deux poissons aussi énormes que je n’en croyais pas mes yeux. Même si l’effet loupe de l’eau peut être trompeur, je suis absolument certain qu’une d’entre elles avoisinait et dépassait même cette barre. Bref, nous savons que Madine, comme les autres grands lacs de l’Est, a un cheptel de gros sujets très conséquent.

Comme les poissons ont également un taux de grossissement impressionnant, le réservoir est très loin d’avoir révélé tout son potentiel. Gageons que les années à venir me donneront raison. La WCC étant encore programmée sur le lac ces prochaines années, c’est tout autant de zones non exploitables hors événement qui feront parler d’elles et de leurs résidentes.

Les choses se compliquent

Ces dernières années, les herbes deviennent omniprésentes et recouvrent une partie importante du lac, compliquant la pêche de façon significative. Il y a ceux que l’on discerne à l’œil et tous ceux qui seront révélés lors de la prospection et du sondage à la canne ou à l’aide d’un écho. Ces herbiers n’ont pour la plupart que peu d’intérêt hormis celui de capter une quantité importante de dioxyde de carbone. A contrario, de nombreuses et importantes tâches de potamots se développent aux différents coins du lac et pêcher à proximité de celles-ci est souvent gage de réussite. Tout comme la pêche aux environs des immenses roselières qui jonchent le lac, une zone de tenue de premier choix pour les carpes, sauf en cas de grandes périodes de sécheresse comme l’an dernier où ces mêmes roselières étaient à sec.

Sur les secteurs autorisés en pêche de nuit, les distances de pêche ont aussi bien évolué et il faudra dans certains cas opérer à très longue distance pour espérer y croiser des poissons. Quelquefois sur ces postes, les distances pourront avoisiner les 400m pour opérer sur les différents plateaux où les carpes aiment à se retrouver en nombre. Attention toutefois à la navigation des voiliers et autres écoles de voile qui n’ont que faire de vos tresses en suspension. La densité des herbiers fait que la tresse repose souvent et majoritairement en surface sur ceux-ci.

La pêche de journée ou en bateau est pour moi maintenant la plus intéressante et peut-être la plus productive. De nombreuses zones de jour n’ont jamais vu de montages et d’appâts hormis peut-être durant la seule semaine de compétition de la WCC. Il est donc possible de mettre en place et de construire une pêche sur ces mêmes zones et d’y avoir des résultats constants. Je pense notamment à une baie interdite à la pêche de nuit où nagent deux résidentes de plus de 30 kilos, et celles-ci ne semblent en sortir que très occasionnellement, comme en attestent leurs captures systématiques dans cette même baie.

Une fois les poissons trouvés, il ne sera pas utile de vous creuser trop les méninges, les carpes de Madine ne sont pas très difficiles et sont très friandes de bouillettes et de tiger nuts parfois accompagnés d’un peu de chènevis. Comme dans beaucoup de grands lacs (mais particulièrement à Madine) les silures sont présents en très grands nombres, aussi je n’utilise là-bas que des appâts fruités et avec parcimonie. J’évite les gros amorçages afin de ne pas éveiller la grande curiosité des moustachus de cette eau.

Plus qu’ailleurs, la tresse en corps de ligne est obligatoire à Madine. Un conseil, veillez à prendre une section relativement fine pour couper les herbiers lorsque vous irez combattre ou récupérer vos montages.

La configuration de Madine est telle que suivant la zone où vous vous trouverez, vous aurez l’impression de ne pas pêcher le même lac. Les îles, presqu’îles, baies, roselières, ports et autres zones plus ou moins urbanisées (zone de loisirs) font la diversité et la beauté de ce lac. Même si les carpes de Madine ne rivalisent pas encore avec celles des stars de l’Est que sont le Der et la Forêt d’Orient, ce lac reste une destination de premier choix pour les amateurs de spécimens, où il fait bon pêcher et bon vivre.