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Avec un as de la bolognaise, Benoît Decobecq

La bolognaise, qui permet de chercher au large les beaux poissons sur le fond, peut se pratiquer en lac mais c’est en eau courante qu’elle est la plus plaisante et aussi la plus productive. Natif de la Somme, Benoît Decobecq maîtrise cette technique à la perfection et connaît le fleuve du même nom comme sa poche. Il nous en fait la démonstration.

La Somme est un terrain de jeu riche et superbe où toutes les techniques de pêche au coup peuvent être pratiquées. De l’été à l’automne, les poissons sont très coopératifs mais tout n’est pas pour autant gagné d’avance. La bolognaise permet de s’éloigner de la berge, des herbiers qui la jonchent parfois et de déjouer la méfiance des poissons dans une eau claire la plupart du temps.

L’amorçage lourd est réalisé très nettement vers l’aval pour que la ligne soit parfaitement en place au moment où elle atteindra cette zone.
Crédit photo : Olivier Wimmer

Passer ou bloquer

Mais ce fleuve est capricieux et il faut souvent jongler entre deux approches, ce que confirme Benoît Decobecq. « Je pratique en alternance, en fonction des espèces présentes, une pêche dite à passer et une autre, à bloquer.» Avec un moulinet et à distance, cela exige un matériel parfaitement adapté et une grande maîtrise. La bolognaise exige en effet une attention de tous les instants. Car il faut absolument éviter que la longue bannière dérive plus vite que le flotteur, accélérant la ligne au risque que les poissons n’aient pas le temps de saisir l’esche.

Benoît Decobecq a pris l’habitude de toujours monter ses lignes pour la bolognaise à l’avance. Sur leur plioir, elles sont stockées deux par deux mais sans les flotteurs, trop longs et trop fragiles. Elles sont néanmoins toutes aisément identifiables grâce à un ingénieux marquage mis au point par notre champion. 
Crédit photo : Olivier Wimmer

Des cannes fines

Pour y parvenir, il faut réduire au maximum la portion de nylon qui repose en surface. Le 1,85 m de Benoît est déjà un sérieux atout. Il pratique toujours debout, canne orientée à 45° au minimum. Au fur et à mesure de la progression du flotteur dans le courant et aussi souvent que nécessaire, il replace sa bannière en amont du flotteur, une sorte de mending cher aux pêcheurs à la mouche. Afin de pêcher efficacement et plus confortablement, Benoît utilise des cannes fines de 7m. C’est une longueur moyenne idéale pour toutes les pêches en rivière. Cela permet d’aborder des profondeurs importantes et de garder un contrôle optimal. Il choisit la puissance de sa canne en fonction de la portance du flotteur. Non pas pour des questions de lancer mais de tenue de ligne. Plus le flotteur est gros en effet, plus la canne doit être rigide afin que le scion ne fléchisse pas sous l’impulsion du courant.

Benoît peut avoir le sourire. Les gardons de la Somme ont une bien belle allure et se montrent coopératifs.
Crédit photo : Olivier Wimmer

Un rangement malin

«Pour une pêche à passer avec un flotteur allant de 4 à 8g, je pars sur une action medium, précise Benoît. Si je dois bloquer, avec un flotteur de 10 g et plus, j’opte pour une action puissante et rigide dite power. » Benoît monte donc plusieurs cannes au bord de l’eau. Pour être parfaitement réactif, il dispose toujours de nombreuses lignes montées d’avance chez lui. Pour gagner de la place, vu la taille des flotteurs, et pour ne pas les endommager durant le transport, ces derniers ne sont pas installés sur le plioir. Benoît s’y retrouve facilement grâce à un ingénieux système de marquage sur les plioirs et au rangement de ses flotteurs par séries de poids. Il parvient ainsi à enrouler deux lignes par plioir. Benoît, très méticuleux, dispose toujours d’au moins trois lignes identiques par taille, matérialisées par un lettrage. Chaque flotteur est parfaitement identique afin de ne jamais rencontrer la moindre variation dans l’équilibrage.

Benoît attaquant sa coulée bien en amont, sa ligne a tout le temps de se mettre en place. Il va pouvoir contrôler sa dérive de manière bien plus précise et efficace
Crédit photo : Olivier Wimmer

Super rapide

Chacune de ces lignes est équipée d’un émerillon qui reçoit le bas de ligne et d’un autre, placé au-dessus de la masse principale, qui est vite relié au nylon du moulinet. Il faut ainsi à peine plus d’une minute à Benoît pour changer de ligne. C’est un gain de temps bien utile quand on connaît les variations de courant que l’on rencontre sur certains cours d’eau. Les risques de casse étant bien réels aussi, sur des fonds parfois encombrés, cette astuce se révèle encore plus utile.

Selon leur taille, les lignes sont d’avance réglées différemment après le sondage. Les plus lourdes vont largement traîner sur le fond et les plus légères passer juste à ras.
Crédit photo : Olivier Wimmer

Un flotteur parfait

Pour la pêche à passer, le flotteur est de forme carotte typique. Il est surmonté d’une antenne longue et relativement fine, dont le diamètre augmente en fonction de sa portance. Le corps est long et la quille imposante pour davantage de stabilité. Le sommet renflé oppose une bonne résistance au courant. Pour la pêche à bloquer, le flotteur est plus atypique puisqu’il s’agit d’un modèle Cralusso Bolo (Sensas). «Ce flotteur est absolument génial, me fait remarquer Benoît. Sa forme surprenante et hydrodynamique a été étudiée pour permettre de ralentir voire de bloquer complètement la dérive dans le courant.» Rien d’étonnant car je suis moi aussi un fan absolu de ces flotteurs avant l’apparition desquels il était impossible d’arrêter une dérive à distance. Son œillet escamotable s’oriente en fonction de la direction du courant qui glisse littéralement sur le corps au profil inédit, à l’image d’un flotteur plat. Les fonds sont parfois scabreux en rivière, pires encore dans les secteurs situés en ville. En plus de la végétation aquatique, des rochers et des branches, ils peuvent être jonchés de débris disons «moins naturels».

Benoît alterne entre pêche à passer et pêche à bloquer, jonglant d’une canne à l’autre pour s’adapter au comportement et à la taille des poissons. 
Crédit photo : Olivier Wimmer

La bonne coulée

Trouver la bonne coulée est pourtant indispensable. Benoît sonde d’abord dans la zone qu’il se sait capable d’amorcer à la main de manière soutenue et précise, entre 20 et 25m. L’évaluation de la profondeur est obtenue en un instant grâce à son ingénieux flotteur-sondeur.

Les anciens connaissent bien Claude Dumouchel, excellent pêcheur de région parisienne et sacré bricoleur. Benoît tient de lui cet ingénieux flotteur-sondeur, une boule de polystyrène munie d’un ressort de chaque côté. Le nylon du moulinet y coulisse lorsqu’il n’est pas sous tension. On leste le montage et on le lance sur le coup. Le plomb étant sur le fond, le flotteur remonte en surface. Il suffit alors de ramener la ligne en la maintenant bien en tension pour récupérer la profondeur.
Crédit photo : Olivier Wimmer

Afin de peaufiner ses réglages et après avoir reporté cette profondeur sur toutes ses lignes, notre champion réalise de nombreuses coulées à vide afin de déterminer la traîne nécessaire pour ralentir sa ligne au maximum pour donner aux poissons le temps de se saisir de l’esche. Et ces derniers semblent en appétit en cette saison. À tel point que l’amorce en elle6même ne suffit pas et doit être richement garnie d’appâts naturels. Pour être certain que ceux-ci ne dévalent pas trop vite et trop loin, Benoît utilise des esches congelées récemment. «Beaucoup congèlent les esches inutilisées. Mais après plusieurs jours de conservation leur aspect et leur odeur sont loin d’être attractifs, estime-t-il. Pour ma part, à peine sorties chez mon détaillant, je les congèle immédiatement. Leur aspect et leur couleur sont sans pareils!» Avec le courant qui balaie fort sur le fond et les poissons qui tapent dans l’amorce, Benoît est contraint d’utiliser un mélange d’amorce riche et lourd, support parfait pour véhiculer une grosse quantité d’esches sans que les boules éclatent en plein vol ni se désagrègent trop rapidement.

Un rythme infernal

Le mélange d’amorce, déjà collant, est alourdi par une importante proportion de terre lourde et grasse (voir encadré).

L'amorce de Benoît

  • 1kg de Rivière (Rive)
  • 1kg de Brème (Rive)
  • 2kg de Gros Gardons (Atout Pêche)
  • 1 kg de tourteau de maïs mis à tremper au préalable
  • 2 kg de terre de rivière
  • 1 cuiller de noir de vigne

Dès le départ, Benoît installe un gros tapis d’amorce puis conserve une cadence de rappel importante dès que les touches apparaissent. Et elles ne se font pas attendre ! Ce rappel constant et précis, au plus proche du flotteur, indique le chemin pour trouver le beau bouquet d’asticots qui orne l’hameçon. Les poissons assimilent vite bruit et nourriture, la touche est quasiment instantanée après que la boulette de rappel frappe la surface. Benoît maintient un rythme d’enfer et sa bourriche se remplit à une vitesse impressionnante. Pas de doute, c’est vraiment du grand art !

C’est à une étonnante démonstration que s’est livré pour nous Benoît, prouvant que la pêche à la bolognaise, délaissée parfois, est pourtant toujours aussi efficace
Crédit photo : Olivier Wimmer

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