La pâte, c’est à la fois une esche et une amorce. Une bonne boulette de pâte va en effet enrober l’hameçon, dégager son arôme et, en se délitant, expulser peu à peu des particules très appétentes. Attirées, les carpes viennent alors fouiller le tapis qui se forme peu à peu sur le fond et certaines vont gober l’hameçon sans même s’en rendre compte. En théorie, le procédé est imparable. Mais la mise en pratique demande de la précision, canne en main mais aussi dans l’élaboration de la recette, son mouillage surtout. Trop dure, la pâte ne travaille pas et reste inerte sur le fond ; trop molle, elle ne tient pas bien sur l’hameçon. Il faut parvenir au bon compromis, en tenant compte toujours de la profondeur du poste.
Crédit photo : Olivier Wimmer
La bonne texture
Prêt à l’emploi ou fait-maison, il existe de nombreux mix efficaces. C’est la texture qui est plus difficile à maîtriser. Car quelques gouttes d’eau de trop dans un mélange qu’on ne maîtrise pas et il n’agit et ne tient plus de la même façon. C’est pourquoi je suis allé trouver Carl Williams, un des grands spécialistes anglais de cette approche, pour en savoir plus. Cet excellent pêcheur n’a pas ménagé ses efforts pour dénicher les recettes qu’il livre sans retenue et qui vont nous faciliter la vie. « J’utilise deux recettes en alternance sur un même coup, précise-t-il. Le premier, classique, est parfait et accepte quelques approximations au niveau du mouillage tout en offrant une excellente tenue à l’hameçon. Le second est plus particulier, moins actif et aussi très sélectif .» Le premier mélange évoqué par Carl repose sur deux ingrédients (voir encadré). Sa préparation est enfantine et la texture obtenue idéale. Si bien qu’il utilise cette pâte dans n’importe quelle situation de profondeur, à courte, moyenne et même longue distance. La seconde pâte moins conventionnelle est à base d’un ingrédient dont les carpes raffolent : le luncheon meat, un pâté de jambon… très anglais ! Carl l’écrase sur un tamis à mailles fines (4mm) et le pétrit jusqu’à obtenir une texture homogène, capable de tenir à l’hameçon. Le résultat obtenu est très gras et hyperprotéiné.
Une recette simple
Le mix de Carl est un mélange de pellets extrudés et expansés broyés, peu importe la marque. Il broie ainsi une part de pellets expansés et deux de micro-pellets (2mm). Il noie ensuite le tout dans un récipient, en laissant dépasser 1cm d’eau, et laisse reposer entre 30 et 40minutes. Il remue alors la pâte obtenue, et voilà, c’est prêt !
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Deux recettes
Il utilise ces deux mix en alternance. Le premier pour créer un appel, le second permettant de sélectionner les plus gros poissons une fois qu’ils se sont bien installés. Ces deux recettes sont particulièrement efficaces à la belle saison, dès que les eaux ont commencé à se réchauffer. La présentation compte aussi beaucoup, bien sûr. La boulette de pâte doit être visible, accessible, et toujours reposer sur le fond. Je me suis amusé à peser celles utilisées par Carl et leur poids oscillait entre 20 et 50g, parfois plus ! Bien plus que suffisant pour lester le flotteur, surtout utile ici pour indiquer les mouvements sur le coup plus que les touches, celles-ci étant toujours d’une rare violence ! La présence du flotteur semblant donc anecdotique, j’ai demandé à Carl pourquoi il ne s’en passe tout simplement pas ? « Le flotteur garantit que mon montage est toujours à l’aplomb du scion, m’a-t-il répondu. C’est essentiel pour assurer un ferrage efficace, dans la lèvre supérieure. »
Crédit photo : Olivier Wimmer
Bien sonder
Pour que le stratagème soit opérant, Carl insiste sur l’absolue nécessité de dénicher un fond totalement plat, sans pente à proximité. Une petite «table» de 20x20cm suffit mais si la boule de pâte roule, il sait qu’il n’obtiendra que des fausses touches. Concernant sa ligne, le montage de Carl est simple mais chaque élément répond à des critères très précis (voir dessin). Pour le nylon, Carl recherche solidité et rigidité et opte pour un 28/100 d’un nylon très raide emprunté aux carpistes en batterie. Il lui garantit une tenue de ligne parfaite et une lecture optimale des mouvements de et dans sa ligne. La solidité est de rigueur car, lorsqu’il pratique en bordure notamment, les risques de casse dans les obstacles sont importants. La bannière est ultra-réduite afin d’obtenir une présentation à l’aplomb et un ferrage optimal. Le flotteur est un modèle particulier équipé d’une longue quille pour parfaire la rigidité de l’ensemble et d’une longue antenne dont seule l’extrémité pointe en surface.
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Plusieurs coups
Un plomb cylindrique unique trouve place à mi-chemin entre le flotteur et l’hameçon pour empêcher tout ventre dans le nylon. L’antenne remonte en surface, tout doucement, au fur et à mesure de la dissolution de la pâte. Carl parvient à réaliser des aguichages, à déplacer sa boule d’appât sans que l’hameçon soit expulsé, signe que la pâte, aussi molle soit-elle, y adhère parfaitement.
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Avant de rencontrer Carl, je comparais cette approche à une pêche d’attente. J’étais loin du compte. « Ce n’est absolument pas une pêche statique, proteste Carl. Jusqu’à ce que les poissons arrivent, ma ligne reste entre 40s et une minute en place, pas plus ! » Notre champion prépare toujours plusieurs coups : en pleine eau et en bordure, à gauche et à droite quand c’est possible, dans un mètre d’eau, sa profondeur favorite. Comme il ne peut pas alimente avec sa pâte tous ces coups en permanence, il signale sa présence en jetant quelques grains de maïs ici et là. Son scion est équipé de deux coupelles de scion, l’une pour déposer la pâte à l’aplomb, l’autre du maïs. La pâte est un appât sélectif, péché mignon des très grosses carpes. Celles-ci sont souvent solitaires d’où l’intérêt de multiplier les coups et les options. Tant qu’il a des touches ou est certain de la présence de poissons, Carl exploite le même coup. Pour éviter un remue-ménage, il extirpe tout poisson ferré en force grâce à son nylon costaud et à un élastique intérieur de fort diamètre, assez court.
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Sous contrôle
Il utilise les fameux Hydrolastic (Daiwa) rouge (3,3mm) et brun (3,5 mm). Ces élastiques restant souples malgré tout, les poissons peuvent filer vers le large, mais Carl les garde toujours sous contrôle. Il dirige imperturbablement chaque poisson dans l’alignement de son kit de combat, en ramenant l’élastique à lui mais en n’opposant pas la moindre pression. Cette façon de travailler le poisson est impressionnante de vitesse. En fait, la carpe ne se doute de presque rien jusqu’à l’épuisette. Quand elle la voit, hélas pour elle, il est trop tard !
Crédit photo : Olivier Wimmer
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