La pêche en carpodrome est bien plus technique qu’il n’y paraît, n’en déplaise à ses détracteurs qui pensent le contraire en raison de la surdensité de poissons. Comme pour toutes les approches, il faut innover, chercher le petit plus qui va permettre de prendre davantage et de battre ses voisins en concours. C’est à cette occasion-là qu’émergent des stratégies qu’il est ensuite prolifique et facile de reproduire en loisir. « Après les pellets, la pâte, le maïs, etc. il fallait bien que les pêcheurs se creusent la tête pour trouver d’autres moyens de prendre des carpes. Elles sont malines et la pression de pêche les rend encore plus méfiantes ! » Nicolas utilise aujourd’hui une amorce peu conventionnelle puisqu’elle est constituée à près de 100 % de graines de couscous, évidemment préparée à l’avance, mais qui ne requiert rien d’autre que de l’eau pour être utilisée. « C’est un appât aussi économique qu’efficace. En effet 500 g de couscous cru permettent de pêcher des heures durant ! » La couleur, le goût, la facilité d’absorption, la semoule de blé a tout pour plaire aux carpes.
Préparation du couscous
« Versez le couscous dans un bac, recouvrez d’eau, laissez reposer quelques minutes et c’est prêt ! » Nicolas plaisante sur la préparation, mais elle est aussi simple que cela. Il est tout à fait envisageable de faire gonfler les grains à l’eau froide puisque l’important est qu’elle imprègne le couscous pour qu’il gonfle. L’utilisation d’eau chaude accélère toutefois le processus. Vous avez donc le choix de préparer cela chez vous, mais si en arrivant au bord de l’eau, vous préparez vos grains, ils seront prêts le temps que vous vous installiez. Le couscous peut être utilisé pur, mais il peut aussi facilement être teinté en ajoutant un colorant à l’eau de trempage. Nicolas apprécie de booster le sien parfois (cf. encadré). Il prépare aujourd’hui deux mélanges distincts, l’un couplé avec du chènevis épicé dont le jus de conservation sert à humidifier le couscous et un second où l’eau est complétée d’un additif liquide qui va imprégner les graines à cœur. Évidemment, il ne s’agit pas de jeter tout ce bon couscous à l’eau et attendre que les carpes se précipitent.
Booster le couscous
Comme je vous le démontrais dans le numéro de juin, il est possible de booster ses amorces avec des ingrédients simples en jouant sur la couleur, l’apport sucrant, etc. Les carpes répondent à merveille à toutes sortes d’additifs et Nicolas apprécie de donner un coup de punch à son couscous lorsque la pression de pêche est vraiment très forte. Pour que ses grains se séparent bien et ne finissent pas en bloc sur le fond, il prend soin, après un temps d’imprégnation, d’y ajouter un additif en poudre.
Faîtes-les monter
La préparation a beau être simplissime, son utilisation et l’optimisation de l’approche nécessitent une bonne technique, tout aussi surprenante. « En déposant une grande quantité de nourriture sur le fond, dans le but d’attirer un maximum de poissons, le risque est d’engendrer de nombreux harponnages accidentels. Je pratique donc une pêche d’excitation, par un rythme d’amorçage élevé, mais qui va contraindre les poissons à monter entre deux eaux, voire en surface. » En pratiquant de la sorte, Nicolas Quenon s’assure d’une importante compétition alimentaire, mais ce sont aussi les plus rapides, et souvent les plus gros poissons qui se précipitent sur l’appât ornant son hameçon qui gravite dans la surface d’amorçage. Un piège imparable, à condition évidemment de bien coordonner ses gestes et d’agir avec précision et rythme !
Coupelle à portée de main
Les grains de couscous cuits sont trop collants et légers pour être frondés en quantité et précisément sur le coup. Nicolas se sert donc de la coupelle d’amorçage qui lui permet de le déposer pile où il le souhaite et avec la dose juste. Pour attirer et maintenir les poissons en haleine, il multiplie les va-etvient à l’aplomb de son coup. Le contenu est déversé de haut pour attiser la curiosité des carpes. La régularité et la précision de l’amorçage permettent, à force de persévérance, de créer une sorte de colonne dans laquelle les carpes virevoltent littéralement. À terme, la concurrence fait rage. Comment Nicolas calcule rythme et quantité ? « Comme pour l’ablette, c’est la règle du peu mais souvent qui prime, mais seulement au début… En effet, une fois que les carpes arrivent, ce sont de véritables aspirateurs et il n’est pas rare de déverser des coupelles entières. » Je connais bien Nicolas et il n’a pas la réputation d’avoir la main légère en matière d’amorce, mais sa manière de faire s’explique aisément. Une fois immergés, les grains de couscous forment une sorte de pluie fine, que le passage des carpes peut rapidement disperser dans la largeur et la hauteur, zone que s’empresse d’explorer Nicolas. Il faut maintenir une présence continue de grains pour s’assurer de celle des carpes à proximité.
Jigger
Ces dernières données bouclent l’explication du piège tendu par Nicolas et du montage de ligne adapté qu’il emploie « Pour réussir, il faut se sortir de la tête que les carpes ne se nourrissent que sur le fond. » Elles gravitent bel et bien dans la colonne de nourriture, il suffit de voir les remous que leur passage en surface occasionne. Utiliser un montage classique contraindrait Nicolas à sans cesse déplacer son flotteur pour essayer de trouver la bonne profondeur. Il recourt donc à un montage peu conventionnel. La pièce maîtresse en est le flotteur surnommé « Jigga ». Il tire son nom de cette technique bien connue des pêcheurs de carnassiers qui consiste à animer un leurre à la verticale. Il s’agit d’une approche astreignante mais très efficace. Pourquoi astreignante ? Parce que c’est une pêche à la grande canne et qu’il faut manier sa ligne comme si elle était équipée d’un jig métallique ! De loin on le prendrait presque pour un rigoletto, mais le Jigga est un flotteur coulissant. Il a la forme d’un ballon de rugby, dont la moitié supérieure est recouverte d’une couche de peinture jaune, orange ou noir selon la visibilité du jour. Il est coincé sur le Nylon entre deux stop-float dont l’espacement détermine la zone que Nicolas souhaite prospecter. Par un habile jeu de jambes, celle sur laquelle repose la grande canne, la droite pour ce qui concerne notre pêcheur, et un mouvement vertical répété, l’appât fixé en bout de course fait l’ascenseur. Le flotteur lui, reste bien à la surface et ne disparaît que, violemment, lorsqu’une carpe s’est auto-ferrée ! « Le piège est imparable ! » confirme encore une fois Nicolas un grand sourire aux lèvres.
Flotteurs Jigga : où les trouver ?
- Preston Innovations - Jigger Kit (avec nécessaire de montage) - 5,99 € les 2
- Fun Fishing - Jigger - 6,99 €
- Maver - Jigger MVR - 2,60 €
- Renier Fishing - RF 45 - 1,80 €
Quel appât pour l'hameçon ?
Pour qu’il fonctionne, il est primordial que le montage évolue pile à l’endroit où le couscous est déposé et à la parfaite perpendiculaire du scion et surtout il est essentiel de garder le rythme ! Habituellement on place à l’hameçon une ou plusieurs esches dont la texture, le goût et/ou la couleur se rapprochent de l’amorce employée. Ici il est évidemment impossible de placer une boulette de couscous à l’hameçon, d’autant qu’avec les va-et-vient imprimés à la ligne, Nicolas a besoin d’un appât qui tienne bien en place. Le maïs fonctionne bien, mais ce que Nicolas préfère, ce sont les « souris ». Il s’agit de petits pompons colorés, très visibles, mais à la tenue ferme puisque l’hameçon s’y plante aisément. Rose, jaune, beige, noir, ils se dégotent au rayon bijouterie-fantaisie ou autre boutique de loisirs créatifs. Une fois immergés, ils se voient de loin et leur aspect duveteux allié à une progression lente dans la couche d’eau finit de boucler le piège de Nicolas.