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Thon rouge : encore fragile

Il y a une quinzaine d’années, le thon rouge était au bord de l’extinction. Si rien n’avait bougé, il ne fait aucun doute que sa surexploitation l’aurait fait totalement disparaître. Aujourd’hui, les populations du grand thonidé ont retrouvé un second souffle mais les quotas de captures imposés depuis près de quinze ans sont eux aussi repartis à la hausse.

Ce n’est pas un hasard si, de tout temps, le thon rouge de l’Atlantique (Thunnus thynnus) a fait le bonheur des pêcheurs sportifs et professionnels. Historiquement, ce poisson est dans la culture de nombreuses régions maritimes de France, Sud-Est et golfe de Gascogne notamment. À l’origine, cette importance n’était que le reflet de son abondance, nos eaux, véritables hot spots, étant situées sur les axes de migration des juvéniles et des géniteurs. Le territoire du thon rouge est en effet extrêmement vaste, s’étendant du Groenland jusqu’au cap Horn au sud.

La Méditerranée est le berceau de la pêche du thon rouge. Tout a commencé ici il y a plus de sept mille ans ! 
Crédit photo : je

Une grande mobilité

Le thon rouge évolue aussi bien en eaux tropicales que polaires, grâce à sa prédisposition à encaisser de grosses variations thermiques. Cette large occupation est aussi le fruit d’une exceptionnelle mobilité, un thon pouvant parcourir près de 200 km par jour ! En termes de population, on recense néanmoins deux gros points chauds : côté est, les individus qui grandissent et vivent essentiellement dans l’océan Atlantique (de la Norvège aux Canaries) et la Méditerranée, principal secteur de reproduction et de grossissement. Côté ouest, les populations, moins importantes, se cantonnent entre Terre Neuve et la mer des Antilles, avec une zone de reproduction localisée dans le golfe du Mexique. On constate quelques disparités entre ces populations. La maturité sexuelle est atteinte à 4ans pour les thons de Méditerranée (des poissons d’environ 25kg) contre 8 (pour 140kg) outre-Atlantique. Si les secteurs de ponte semblent bien identifiés, il semble que l’espèce puisse se reproduire localement et sporadiquement lorsque les conditions sont réunies, sachant qu’une femelle peut ne se reproduire que tous les deux ou trois ans. Ces deux populations ne sont pas pour autant totalement imperméables, les migrations transatlantiques étant loin d’être rares (voir encadré). Notons aussi que ces très grands voyages concernent surtout les géniteurs.

Un grand voyageur

En mars dernier, des pêcheurs de Caroline du Nord ont attrapé un grand thon de 2,60m. Si la prise est exceptionnelle, l’histoire l’est peut-être encore plus. En effet, ce poisson avait été marqué neuf ans plus tôt dans le golfe de Gascogne, à la hauteur de Biarritz ! À cette époque, le jeune individu ne mesurait que 82cm. Entre-temps, il a parcouru des milliers de kilomètres, s’offrant même le luxe de traverser l’océan.

Le thon rouge est l’un des poissons marins les plus prisés et les plus consommés sur terre. 80% des individus pris en Méditerranée sont directement exportés vers le Japon, plus gros consommateur dans le monde. 
Crédit photo : Jean-Baptiste Nurenberg

De plus en plus pêché

À l’origine, le thon rouge était le grand poisson et abondant prédateur du littoral français. Son exploitation est ancrée dans la culture méditerranéenne occidentale, avec des pêches ancestrales localisées sur les grands axes migratoires qui remontent à plusieurs millénaires. À la base, la pêche était très côtière. En plus de la ligne, les pêcheurs utilisaient des engins archaïques, petites sennes de plage ou filets de joncs utilisés par les Romains. Le premier véritable engin était la madrague, un vaste filet de rabattage mis au point par les Arabes, visant à orienter les thons vers un ensemble de nappes tendues dans lesquelles les thons coincés étaient ensuite harponnés. Avec le temps, la qualité de la pêche au thon a fluctué en fonction des changements de flux migratoires, obligeant les pêcheurs à revoir leurs pratiques. Ces modifications se sont accompagnées d’un début de raréfaction lié à une exploitation hélas de plus en plus intensive.

Le thon est une espèce emblématique. Au travers de sa gestion s’entrecroisent de complexes mécanismes politiques et culturels. C’est un enjeu mondial
Crédit photo : Je

La folie des grandeurs

Le XXe siècle marqua ainsi le début des recherches au très grand large, et de plus en plus loin des côtes. Les seinches (filets encercleurs) puis les thonailles (filets dérivants) ont marqué le début d’une exploitation industrielle, garantissant des coups de filet de plusieurs dizaines de tonnes. À tel point que, certains jours, trop d’individus étaient déchargés quotidiennement sur les quais portuaires dont il était impossible d’assurer la vente. Le milieu du XXe siècle, dans une sorte de folie des grandeurs, aggrava encore cette surexploitation de l’espèce sur l’ensemble de son aire de répartition. Et en l’espace de quelques décennies, le thon rouge, considéré encore comme espèce peu préoccupante au début des années 2000, se retrouva quasiment en danger d’extinction, les stocks ayant chuté de près de 80%. La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT), organisation intergouvernementale, a fini par tirer la sonnette d’alarme. Avec une valeur marchande et une demande des pays asiatiques en hausse constante, les estimations prédisaient l’extinction de l’espèce pour 2012… Devant cette urgence absolue, le moratoire du thon rouge fut décidé en 2007. La stratégie passait par une réduction drastique des quotas de pêche, adaptée en fonction de l’évolution des stocks. La France était particulièrement concernée en tant que plus grand pays de pêcheurs de thons rouges au monde ! À l’époque, l’ICCAT autorisait un quota global de 32000t, dont 6000 rien que pour la flotte française. Chaque année, les prises autorisées ont ainsi baissé pour atteindre en 2010 un quota historiquement bas (autour de 13000t) qui va le rester sur une période de quatre ans. Cette baisse significative de la pression a eu des effets très encourageants et les estimations des scientifiques ont montré que l’espèce avait retrouvé une croissance rapide et exponentielle.

Il faut quatre années à un thon rouge de mer Méditerranée pour atteindre sa maturité sexuelle. De nombreux individus pêchés par les pêcheurs plaisanciers sont loin du compte. 
Crédit photo : Jean-Baptiste Nurenberg

Quel avenir ?

2015 marqua une étape dans les plans de gestion et de conservation, avec des augmentations progressives des quotas d’environ 20% par an jusqu’en 2017, pour réduire à nouveau de 10%. En 2020, 36000t de prélèvements ont été autorisées. Un chiffre qui renvoie quinze ans en arrière lorsque la pression était au plus fort. Les populations sont-elles aujourd’hui redevenues suffisamment stables pour encaisser cette pression durablement ? Le thon rouge s’est-il définitivement éloigné de son extinction annoncée ? L’avenir le dira mais la question est bien posée...

Maintenir l’équilibre capable d’assurer la survie de l’espèce tout en répondant à une demande croissante de prélèvements est un exercice bien périlleux.
Crédit photo : Jean-Baptiste Nurenberg

La crise de l'anchois

Au début des années 2000, une autre espèce connaissait une véritable crise: l’anchois. Dans le golfe de Gascogne, devant la baisse significative des stocks, la pêche en a été totalement interdite de 2006 à 2010. Bien que rien n’ait été prouvé, on pense que ce moratoire a eu des répercussions sur le retour des stocks de thons rouges, gros consommateurs d’anchois.

 

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Biologie - Environnement

Magazine n°913 - juin 2021

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