Pêche à la mouche en Slovénie : le grand chelem automnal !

Avec l’aide de mon ami Borut Jerse, nous avons donc concocté un voyage un peu spécial avec une idée folle en tête, faire toutes les espèces de salmonidés de Slovénie en cinq jours de pêche ! En effet, octobre marque le début de la saison du huchon sur la basse vallée de la Savinja sur les sociétés de pêche de Šempeter et Mozirje. La plupart des autres rivières n’ouvrent que début novembre et, connaissant la difficulté à prendre ce poisson, il valait mieux commencer par là… Direction donc la petite ville de Mozirje pour cette première journée. La rivière est ici très belle et fait en moyenne une trentaine de mètres de largeur. Ce parcours était excellent pour les ombres mais, malheureusement, ces derniers ont beaucoup souffert de la canicule et de la sécheresse de l’été 2022. La pêche a même été fermée à partir de la mi-juillet et jusqu’en septembre. Malgré cette mesure, la température du cours d’eau a atteint 27 degrés au plus chaud de la période estivale, causant une forte mortalité chez nos superbes Thymallus !

De belles truites arc-en-ciel

Je vais commencer par prospecter en nymphe au fil la partie du cours d’eau située juste derrière le restaurant du club. Les belles arcs-en-ciel sont toujours là et me livrent de beaux combats. Mais en effet, aucun ombre à l’horizon… c’est bien triste. Je suis accompagné de mon ami Jean-Paul et nous prenons chacun de belles truites entre 30 et 55 centimètres. Le soir, nous faisons quelques passages au streamer sur des postes à huchon, mais le grand prédateur ne daigne pas se montrer. Nous enchaînons avec une autre journée sur la société de Šempeter cette fois un peu plus en aval. Je retrouve mes amis Bostjan et Rok Ledinsek avec qui j’avais déjà traqué le huchon en hiver. Šempeter possède un parcours dit « trophée » peuplé de grosses arcs-en-ciel et fario mais aussi de plusieurs pools abritant notre Hucho hucho ! Bostjan nous guide et nous explique que, comme plus haut, la Savinja a souffert ici de la canicule 2022 et la densité de poissons est moindre qu’avant l’été. Nous commençons au streamer dans le but de faire bouger aussi bien les truites que les grands prédateurs. Rapidement, je me retrouve attelé à une très belle « arc » qui dévale une partie de courants avant de se laisser amener à l’épuisette. C’est un très beau spécimen d’environ 65 cm qui était certainement dans la rivière avant la sécheresse estivale. Cela fait plaisir de voir que certains poissons ont réussi à se sauver…

Nymphe au fil

J’arrive ensuite dans une grande veine d’eau profonde qui semble prometteuse surtout en tête du poste. Je décide de la pêcher en nymphe au fil, ce qui me paraît être plus adapté que le streamer ici. Changement de canne, je mets un casque tungstène de 4,5 mm en pointe et 3,5 mm en potence. La première dérive est bonne et mon fil fluo s’arrête en plein milieu du poste: ferrage et quelque chose de lourd remonte le courant et se bloque! Je suis en 17 centièmes tout de même et commence à tirer mais rien ne bouge. Je sens pourtant des à-coups de temps à autre. Je finis par casser au-dessus de la potence. En me rapprochant du courant central, je vois nettement une énorme branche coincée au fond en plein travers ! Le poisson que je tenais connaissait apparemment très bien cet obstacle… Je refais mon montage et essaye d’éviter le mieux possible le grand embâcle. J’ai de nouveau un bel arrêt et rebelote, mon adversaire part vers la maudite branche. Pas question de laisser faire et j’incline ma canne un maximum vers l’aval pour me servir du courant afin de contrer la bête en colère, à l’autre bout de mon fil. Cela fonctionne : une autre grosse « arc » arrive en surface et Bostjan m’aide à l’épuiseter. Nous enchaînons les prises et les combats une bonne partie de la journée ; même si le secteur n’est plus aussi poissonneux qu’avant, il y a largement de quoi s’amuser ! Nous faisons une pause au magnifique restaurant du club que je vous conseille vivement si vous êtes dans le secteur de la Savinja. La cuisine y est vraiment excellente.

Le roi slovène

Rok nous rejoint alors pour le coup du soir, le moment le plus propice pour prendre un huchon. Il connaît cette rivière comme très peu de pêcheurs et m’amène directement sur un vaste pool où il a déjà capturé plusieurs grands salmonidés. Je peigne le secteur en soie de 10 pointe plongeante avec un énorme streamer blanc monté sur un solide 6/0. On ne rigole plus ! Jean-Paul fait le bas du pool alors que je me concentre sur la tête. La lumière décline vite et Rok me dit de ne pas insister et de le suivre en aval. JeanPaul, un peu fourbu par notre journée à arpenter la Savinja, me dit rester dans le haut. Nous marchons cinq cents mètres avant que Rok ne s’arrête et me désigne un gros rocher sous la surface le long de la rive d’en face. Ses explications sont claires, il faut que mon streamer passe juste derrière ce bloc. Je sors la vingtaine de mètres de soie nécessaires et expédie mon énorme écouvillon au ras de la berge opposée. J’effectue deux mendings pour le faire couler et prends contact, le streamer nage bien et arrive au niveau du monolithe immergé quand ma ligne se tend d’un coup. Le ferrage est appuyé et la canne plie fortement. Un beau huchon monte en surface et se met à rouler. J’ai appris de mes échecs passés où je n’osais pas trop tirer dans ce cas et finissais souvent par les décrocher. Là, pas de quartier! Je plie la canne jusqu’à la poignée et tracte mon adversaire en dehors du courant avant de l’échouer sur le bord dans la foulée. Rok est aussi content que moi! En une demi-heure de pêche, me voici en présence du roi des rivières slovènes ! Nous le relâchons après quelques rapides photos. La connaissance intime de Rok de ce cours d’eau m’a permis ce magnifique coup de ligne. Cela fait vraiment une énorme différence lorsque l’on recherche ces grands prédateurs.

Pêche en barque

Changement total de décors pour le jour suivant. Le plan est de pêcher en barque sur le lac de Most na Soci pour essayer de prendre une véritable marmorata. Nous retrouvons Adam, un jeune pêcheur et guide local qui connaît bien le lac. Il nous explique qu’il faut utiliser des soies plongeantes et animer lentement de beaux streamers au ras du fond. Nous partons sur le lac au moteur électrique et peignons plusieurs tombants que connaît Adam. Alors que nous sommes sur une dizaine de mètres de fond, j’enregistre un arrêt. C’est un poisson mais la bagarre est étrange… Je remonte alors des profondeurs un gros barbeau, pas vraiment ce que je recherche ! Nous continuons à prospecter quand je vois, dans une anse, une chasse avec de petits poissons sautant en surface. Je lance immédiatement dans cette direction et, après trois strips, ressens une touche lourde suivie de coups de tête. Enfin, une magnifique truite marbrée arrive à l’épuisette. Elle a en effet toutes les caractéristiques génétiques de cette incroyable espèce endémique du bassin adriatique. Jean-Paul prendra également un joli spécimen peu après mais nous ne verrons pas les monstres qui peuplent ce lac. Adam nous rappelle que des spécimens d’un mètre hantent ces eaux !

« Jurassic Lake »

La mission « Marmo » est accomplie et le jour suivant est aussi consacré au lac mais, cette fois, sur le barrage situé en amont de la Sava Dolinka sur la société de pêche de Jesenice. Ce lac, dont j’avais déjà entendu parler par mes amis guides slovènes, est considéré comme le « Jurassic Lake » du pays ! Tout un programme! Et pour le découvrir, le guide Dusan Dolinar nous a dégoté deux float-tubes ! Les barques sont interdites ici et les berges assez escarpées ne permettent pas de bien pêcher. C’est parti pour le « belly boat », objectif les grosses arcs-en-ciel sauvages et, on l’espère, au moins une truite de lac présente ici. La plupart des moucheurs utilisent des streamers noir, blanc ou olive. Nous commençons donc en soie intermédiaire avec de petits leurres ramenés lentement mais sans grand succès. J’arrive alors sur un haut-fond qui semble en sable clair ou en limon. Le soleil est sorti et j’aperçois alors un sous-marin qui me passe à quelques mètres des palmes. Je lance pour l’intercepter, mais rien ! Je repère alors une autre magnifique « arc » qui longe ce tombant, les poissons sont là. Je décide de changer complètement de technique et allonge largement mon bas de ligne pour mettre une pointe en 15 centièmes et une nymphe type pheasant tail en hameçon de 12. Je place alors un petit indicateur néo-zélandais en laine à environ un mètre cinquante au-dessus et lance vers la cassure. Mon petit pompon dérive tout doucement lorsqu’il plonge franchement. Au ferrage, la surface explose immédiatement et une arc-en-ciel sous stéroïde me fait quatre ou cinq chandelles avant de me sortir toute la soie ! J’arrive enfin à la mettre dans mon épuisette et Jean-Paul, qui n’a pas une grande habitude du float tube, me rejoint tant bien que mal pour quelques photos. Ces « arcs » sont juste bodybuildées et splendides ! J’ai trouvé la technique du jour et je vais piquer une quinzaine de truites entre 50 et plus de 70 centimètres ! Je comprends mieux pourquoi mes amis me parlaient du « Jurassic Lake » slovène! Malheureusement, je ne coche pas la case truite de lac, mon Grand Chelem s’éloigne un peu…

Grand Chelem

Pour le dernier jour, nous pêchons la petite et splendide Mostnica, un affluent de la Sava Bohinjka situé juste sous le lac de Bohinj et géré par la société du même nom. Ce petit cours d’eau, réservé à quatre pêcheurs par jour maximum, possède de très beaux ombres et une population de fario et arc-en-ciel sauvage. Le guide Marko Gradnik nous montre le parcours. Le niveau est assez bas et il nous conseille de nous concentrer sur les parties les plus profondes. Je débute au fil et prends rapidement quelques jolies petites truites lorsque je vois un gros gobage en milieu de courant. Je passe donc en sèche avec un petit parachute sur hameçon de 18. Au premier passage, il est goulûment aspiré. C’est un gros ombre qui saute et se bat superbement. Ses couleurs doré, brun et rouge sont assorties avec celles de l’automne et de la végétation alentour. Une merveille naturelle que j’admire avant de le rendre à son élément. Ce qui est fantastique avec l’ombre c’est que, même en l’absence d’éclosion, il a le nez vers la surface. Je vais continuer en sèche et me régaler en capturant des poissons entre 45 et 50 cm ! L’eau est vraiment cristalline lorsque j’arrive sur un « grand lisse » où je prends à vue plusieurs truites. Tout à coup, alors que je ramène une petite fario, un gros poisson sort de je ne sais où et charge ma truitelle de 25 cm ! Cette truite est très différente, sa robe est plus sombre et recouverte de gros points noirs. Plus de doute, il s’agit d’une lacustre du lac de Bohinj. Je vais la voir retourner se mettre sous un arbre de la berge d’en face. Je vais laisser « reposer » le secteur et revenir quelque temps après avec un joli streamer. Pas facile de faire passer ma mouche de l’autre côté. Je vais être un peu court en lancer rouler avec ma 8,6 pieds soie de 3 pas vraiment adaptée. La truite va tout de même sortir de sa cache mais sans attaquer. Je pense avoir définitivement raté ma chance et suis un peu déçu… Alors que je remonte en tête de pool, je vois une autre belle truite calée derrière un rocher. Je me déplace très lentement et monte une nymphe casquée de 2 mm qui devrait faire l’affaire. Les dérives semblent bonnes mais le poisson ne bouge pas. Je change deux fois de nymphe sans succès. Je me décide alors à mettre un gammare beige, même si je pense qu’il n’y a pas de petite crevette ici ! Au premier passage, elle se décale et ouvre une large gueule. Je suis surpris mais ferre par réflexe. Je suis en onze centièmes et mon adversaire tire fort. Je la suis en aval et finis par la mettre à l’épuisette ! Il s’agit bien d’une truite lacustre d’environ 55 cm. Je suis ravi ! Cette espèce inespérée clôt mon Grand Chelem slovène, arc, fario, marmorata, ombre, huchon et enfin truite de lac ! Si l’on se donne la peine de sortir des sentiers parfois trop battus, la Slovénie reste un pays de cocagne pour le moucheur, certainement un des paradis halieutiques de l’Europe.