Avec l’hiver doux que nous avons connu et ces températures printanières qui sont arrivées précocement cette année, il ne va pas falloir rater le créneau intéressant qu’offre ce début de saison. Cela sera, en effet, une période particulièrement adaptée pour la traque de maître Esox au streamer ! Le départ des poissons en âge de se reproduire sur les zones « shallow » (peu profondes) règle la question de leur localisation et réduit le paramètre profondeur à prendre en compte qui peut, en temps normal, s’avérer limitant dans certains cas, en pêchant à la mouche. De plus, les poissons sortant de la fraie ont dépensé énormément de calories et, la température de l’eau augmentant peu à peu, ils retrouvent un accroissement progressif de leur métabolisme. Leur activité va donc être plus importante, surtout à l’approche des périodes de fraie des poissons blancs qui commencent à se regrouper près de leurs zones de ponte. Quelle aubaine pour les carnassiers ! Ces derniers n’ont plus qu’à « cueillir » le poisson fourrage qui, accaparé par ses propres préoccupations, ne se méfie pas des prédateurs tapis dans les herbiers naissants…
Des steamers de taille modeste
Cette période peut durer plusieurs semaines, voire quelques mois selon les régions, car la fraie de la brème, gardon, carpe et autres poissons blancs peut s’échelonner jusqu’à juin. L’autre point qui est très intéressant pour nous, moucheurs, est la taille des proies qui vont être ciblées par les poissons. En effet, avec leur localisation sur ces zones souvent proches du bord, un panel important de proies, aux tailles relativement modestes, s’offre aux carnassiers : poissons fourrage, batraciens, écrevisses, canetons, le choix est vaste ! Quel plaisir alors pour le moucheur de ne pas avoir à s’embarrasser de streamers encombrants souvent difficiles à lancer ! Que ce soit pour les milieux fermés ou les eaux closes, l’approche à avoir est relativement identique : commencez par vous concentrer sur les bordures. Les bordures avec le plus grand nombre d’heures d’ensoleillement dans la journée sont les plus intéressantes. Bien entendu, il ne faut pas pour autant délaisser les postes types, tels que des arbres immergés, les réseaux racinaires ou encore les plaques d’herbiers naissants. Toutes les bordures sont propices à tenir des poissons : qu’elles soient creuses, en pente douce, avec des fonds vaseux ou des fonds de galets, tant que leur profondeur permet un réchauffement plus rapide de l’eau que le reste de la surface, vous pourrez y croiser la route de quelques poissons actifs. En eau libre, les confluences sont aussi très intéressantes à prospecter, surtout si une des deux rivières ou fleuves apporte une eau légèrement plus chaude ou plus claire que l’autre (qui ne serait pas affectée par des eaux de fonte des neiges.)
Du bord en wading
Une pêche printanière est, selon moi, synonyme d’une traque itinérante, menée du bord ou en wading avec du matériel léger. En effet, la taille des streamers utilisés étant plus modeste, une canne de puissance 8/9 peut s’avérer largement suffisante. Une canne plus puissante s’avérera néanmoins utile pour une pêche « à l’arbalète », réalisée au milieu des arbres, afin de prospecter les réseaux racinaires et les berges creuses. Cette pratique nécessite en effet une puissance suffisante capable de propulser le streamer « à l’arbalète » et extraire le poisson de son « bunker » de racines lorsqu’il est ferré.
En ce qui concerne le type de soies à privilégier, il est difficile de se positionner sur un choix unique. Dans la majorité des cas, je préfère pour les pêches de poste une soie flottante avec un profil court, chargée sur l’avant avec un talon de bas de ligne puissant pour déposer précisément mon streamer. Ce dernier, quant à lui, est dans la majorité des cas lesté en tête pour descendre le long des obstacles. Ce lest peut être directement ajouté au montage de votre mouche, par un casque en tête ou quelques tours de plomb sur la hampe de votre hameçon. Cette façon de lester vos streamers type baitfish ou flash tail est très intéressante, notamment pour chercher une action plutôt planante qui aurait tendance à couler comme une feuille morte lors de l’arrêt de l’animation. Ainsi, avec de longues pauses, vous imiterez une proie facile, comme un poisson blessé.
Lestage interchangeable
Lorsque je veux que mon streamer soit entraîné par la tête vers le fond pour descendre le long d’un obstacle, je préfère ajouter mon lest directement sur le bas de ligne avec des lests interchangeables à agrafe rapide ou « snap » de différents grammages (à passer sur l’agrafe ou dans l’œillet de la mouche). Cette dernière solution offre l’avantage de pouvoir, avec une même mouche, remédier à différentes situations et profondeurs. Rappelons également qu’un lest additionnel d’un gramme est déjà largement suffisant pour faire piquer du nez un streamer de type « baitfish » ou « piker pointer ». Pour la pêche de poste, je vous conseille cependant de préférer des streamers ou des montages jigs avec une tail, voire une double tail en queue. Ceux-ci auront l’avantage de freiner la descente de votre mouche, tout en rendant cette dernière très attrayante pour le brochet. Une fois vos bordures bien quadrillées, n’hésitez pas à vous lancer dans une pêche de prospection plus linéaire, avec des soies intermédiaires ou de type S3, notamment sur les pentes douces ou les cassures. Préférez une pêche en wading avec des lancers à courte distance. En effet, il vaut mieux prospecter un secteur dans les 10-15 mètres plutôt que de s’efforcer à lancer à grande distance. Vous risqueriez de ne pas pouvoir maîtriser l’environnement et la profondeur d’évolution de votre mouche. Il est, de surcroît, plus difficile de ferrer correctement un poisson à une distance importante.
Float-tube ou bateau
Si jamais votre terrain de jeux, ou certaines parties de celui-ci, ne permet pas une pêche itinérante du bord ou en wading, vous pouvez décider de l’attaquer en embarcation. Cette approche est également intéressante, car elle permet d’être plus précis sur la pêche de poste et d’avoir un dégagement plus important, ce qui facilite nettement le lancer. Le schéma reste alors le même : commencez par prospecter les bordures ou les plateaux avec une pêche précise près des obstacles ou des herbiers. Cependant, on peut également se permettre de changer un peu de stratégie en utilisant des streamers dits à « jerker », qui ont tendance à se désaxer lors de l’animation sur des tirées sèches dans la soie. Il ne vous restera alors plus qu’à entrecouper ces animations de pauses plus ou moins longues lorsque vous approcherez des obstacles pour voir des poissons voraces se saisir de vos mouches au redémarrage ! N’hésitez pas à faire des pauses de plus en plus longues pour tenter de déclencher un peu plus d’attaques. Il sera alors très pertinent d’utiliser des streamers dits « suspending », qui vont se maintenir dans la couche d’eau par l’ajout d’un bout de mousse au cœur de leur montage. Il nécessitera des lancers un peu plus longs pour une mise en place efficace de la mouche dans la couche d’eau, mais pensez à coupler son utilisation avec une soie S3 et vous obtiendrez une arme redoutable pour affronter ce début de saison !
Brochets suiveurs
Si vous rencontrez un poisson suiveur sur plusieurs mètres, arrêtez tout ! Faites une grande pause de quinze à trente secondes, quitte à laisser le streamer couler sur le fond, puis réalisez un redémarrage sec avec une grande tirée. Cela déclenchera à coup sûr une attaque ! En revanche, si un poisson vous suit plusieurs fois, c’est que vous n’allez pas assez vite. Accélérez drastiquement la cadence, par un passage en « rolly poly » par exemple. En d’autres termes, ne le laissez pas réfléchir ! Les bordures ensoleillées abritées du vent sont des postes de choix en début de saison. En effet, l’eau aura tendance à se réchauffer légèrement plus vite que le reste de la surface, ce qui est un poste de choix pour le poisson ! Une autre arme « démoniaque » pour le début de saison : les streamers à palette de type « chatter-fly ». Ce streamer, lesté en tête par la palette, permet une pêche de poste efficace. Privilégiez des lancers courts et tendus (c’est très important). Laissez votre streamer atteindre le fond, puis réalisez quelques tirées sèches pour le faire remonter et, enfin, actionnez la palette. Cela déclenchera sans aucun doute un poisson, qu’il soit embusqué près d’un obstacle ou en attente sur un herbier. Notez que l’utilisation d’un bas de ligne en gros fluorocarbone en 90 ou 100 centièmes rigide est à privilégier par rapport à un fil acier qui aura tendance à s’emmêler dans la palette et à fragiliser le bas de ligne.