La Caranx melampygus, le nom scientifique de la bleue, est donc un poisson de taille moyenne comprise entre 50 et 70 centimètres mais pouvant tout de même atteindre plus d’un mètre de long. Son corps, comme chez la plupart des carangidés, a un profil ovale et allongé, comprimé latéralement, doté de deux nageoires dorsales. La nageoire caudale est très fourchue et renforcée par des scutelles, c’est-à-dire de petites excroissances très dures et piquantes qui font qu’il vaut mieux mettre un gant pour les tenir fermement par la queue lorsqu’on les décroche.
Une peinture vivante
Mais la partie la plus remarquable de cette espèce est bien sa robe qui se compose en général de deux teintes de base. La tête et la partie supérieure du corps sont d’aspect jaune-vert cuivré avec une multitude de petits points bleu vif et doré. La partie inférieure est souvent blanche, voire légèrement argentée. Les nageoires dorsale, caudale, anale et pelviennes sont bleu électrique. Un trait bleu électrique surligne également la série de scutelles. Il m’est arrivé de capturer des spécimens très foncés, presque noirs avec de nombreuses taches d’un bleu profond, des merveilles !
Dans le monde anglophone, la Caranx melampygus est couramment appelée « Bluefin trevally ». Des noms traditionnels, tels que « Pakekai » et « Tahara » en Polynésie française, et « Titi‘ara » à Rarotonga (Îles Cook) sont aussi utilisés. La carangue bleue fréquente les eaux tropicales et subtropicales de l’océan Indien, de la mer Rouge, jusqu’aux côtes orientales de l’océan Pacifique, ce qui fait une immense répartition géographique dans l’Indo-Pacifique. Notre Bluefin est très intéressante pour le pêcheur à la mouche, car elle affectionne tout particulièrement les lagons peu profonds et se rencontre très souvent sur les flats ainsi que les récifs coralliens et rocheux, les passes entre les îles et dans les atolls. Elle vit surtout entre la surface et une trentaine de mètres de profondeur mais peut, occasionnellement, descendre à plus de 150 mètres. Les juvéniles peuplent de façon saisonnière les eaux peu profondes des littoraux sableux ainsi que les estuaires et tolèrent bien les eaux saumâtres, remontant parfois les rivières. Notre carangue se nourrit principalement de petits poissons mais aussi de crustacés comme les crabes et les crevettes, ce qui la rend particulièrement réceptive à nos mouches ! Elle a une activité aussi bien diurne que nocturne selon la localisation géographique. Sur les flats, elles peuvent évoluer en petits groupes ou en solitaires pour les plus grands sujets, mais sur les tombants récifaux elles forment parfois des bancs de centaines d’individus. Avec le développement de la ciguatera dans de nombreux pays tropicaux, l’espèce n’est plus consommée dès qu’elle atteint une taille supérieure à 50 cm. Cela la protège d’une trop grande prédation humaine et permet aux populations de se maintenir, voire de prospérer.
Une vaste répartition indopacifique
J’ai eu la chance de la pêcher aussi bien dans l’océan Indien que dans le Pacifique. Selon les destinations, les densités varient fortement, avec parfois, juste une rencontre de temps en temps sur les flats. En Polynésie française, j’ai eu l’occasion de réellement rechercher les « bleues » de façon spécifique. Lorsqu’elle est bien présente avec des spécimens de bonne taille, cela devient une des traques les plus intéressantes que l’on puisse réaliser canne au fouet à la main! C’est un poisson rapide qui surgit parfois derrière vous alors que vous arpentez un haut-fond, de l’eau au genou. Mais même s’il vous a vu, rien n’est perdu, et n’hésitez pas à lancer dans sa direction pour l’intercepter, il est rare qu’il n’attaque pas un poissonnet ou une crevette en fuite ! Son combat est ensuite tout en puissance et surtout en vitesse. Notre Bluefin est une torpille, comme le montrent sa queue très échancrée et ses immenses nageoires pectorales. Il recherche facilement l’obstacle et il est donc important d’utiliser des bas de ligne costauds, un trente livres en pointe est un minimum pour les flats et les zones dégagées. Lorsque l’on recherche ce poisson sur les récifs extérieurs des atolls et les tombants coralliens, il ne faut pas hésiter à utiliser directement 2,5 mètres de 80, voire 100 lbs ! Les bleues n’ont pas peur des gros Nylons et cela ne les empêche nullement d’attaquer une proie potentielle.
Plus de 10 kilogrammes
En effet, sur ces zones profondes il n’est pas rare de voir surgir des spécimens de plus de 10 kg pour un mètre de longueur, qui vont réellement mettre votre matériel à rude épreuve! Streamer, popper ou imitation de crevette suivant la zone de pêche. Les poppers sont alors tout indiqués pour prospecter ces tombants. Les grosses têtes en mousse du genre Dumbel Pop ou Rainy’s permettent de monter des mouches de surface déplaçant beaucoup d’eau mais restant faciles à lancer ! Les attaques sont alors incroyables et violentes, n’oublions pas que la Bluefin est avant tout une variété de carangue.
Autant les petites bleues sur les flats peuvent être capturées en soie de 8, autant dans le cas de la pêche des platiers une canne de puissance 10 est un minimum sachant que j’ai déjà perdu dans ces conditions de gros poissons malgré des ensembles en 12… La Bluefin est un prédateur très opportuniste qui se jette aussi bien sur un petit crabe que sur un poisson tentant de fuir. J’ai ainsi piqué de très belles carangues sur des mouches à bonefish. Le combat est alors long et incertain, car vous pouvez être sûr que, s’il y a ne serait-ce qu’une patate corallienne sur le flat, notre bleue va essayer d’en faire le tour pour vous fausser compagnie ! Je me suis ainsi fait éplucher plusieurs soies dans le corail ! C’est pourquoi il faut toujours partir avec quelques lignes de rechange lors d’un voyage exotique. Vous avez l’opportunité de rencontrer cette espèce dans de nombreux pays et ça, même lors d’un séjour familial sous les tropiques, que ce soit aux Maldives, en Polynésie ou en passant par les rives de la mer Rouge. Cette carangue est sans conteste la plus belle, mais aussi sans doute la plus accessible pour un pêcheur à la mouche. Un véritable tableau de maître que seule la nature sait nous offrir et dont il faut savoir profiter avec respect…