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La capturabilité des truites

Crédit photo Marc Delacoste
Sur une rivière ou un secteur donné, la capturabilité des truites, c’est-à-dire leur capacité à se laisser prendre, est une donnée souvent négligée quand il s’agit pour un pêcheur d’expliquer ses échecs comme ses succès. C’est pourtant un paramètre qui permettrait, s’il était quantifiable, de relativiser certaines statistiques un peu simplistes qui relient directement nos résultats avec l’état des populations.

Lorsqu’une pêche électrique est réalisée dans une bonne rivière à truites, il n’est pas rare qu’un pêcheur passant par-là s’y intéresse. Le scénario est toujours le même : il s’approche avant le début de l’opération puis, informé de ce qui va se passer, pronostique un nombre de truites faible, se basant sur ses résultats de pêche. Puis la pêche débute et les captures s’enchaînent, généralement nombreuses si le secteur est bon, provoquant la stupeur et l’incrédulité du témoin. « Jamais je n’aurais pensé qu’il y en avait autant ! », lâche-t-il souvent. 

Les résultats des pêches électriques surprennent souvent bien des pêcheurs.
Crédit photo : Marc Delacoste

Surprise, surprise

À l’opposé, il arrive que les captures soient moins nombreuses que ce que le ressenti des pêcheurs laissait croire. Je me souviens d’un ami guide qui me vantait la belle population d’une rivière espagnole, résultat selon lui d’une réglementation très restrictive. Aussi intéressé par la perspective d’une belle sortie que par le désir de vérifier les effets de cette réglementation, je l’y accompagnais. Nous y avons certes pris des poissons mais, pour être honnête, pas plus que dans une bonne rivière française lorsque tout se passe bien. De retour en France, désireux d’approfondir la question, j’ai recueilli des informations sur cette rivière, notamment des résultats de pêches électriques récentes réalisées par l’administration espagnole. Et, surprise : la densité de truites y est en fait trois à quatre fois plus faible que sur nos bonnes rivières pyrénéennes. Double surprise donc : pour mon ami guide, parce qu’il pensait que les truites y étaient très abondantes, et pour moi parce que, malgré cette densité assez faible, nous y avions bien réussi. Ces deux exemples illustrent à mes yeux un même phénomène : contrairement à ce que nous avons tendance à penser, pris individuellement, nos résultats sur un spot donné n’y reflètent que partiellement l’abondance de truites. C’est contre-intuitif, mais c’est un fait et on pourrait multiplier les exemples à loisir. 

La forte capturabilité face à des techniques auxquelles elles ne sont pas accoutumées n’a en général qu’un temps.
Crédit photo : Marc Delacoste

Un vrai décalage 

Pourquoi cette différence ? Pourquoi un tel décalage ? Tout simplement parce que la capturabilité des poissons, leur capacité à se laisser capturer, est variable. Plus elle est forte, plus ils sont faciles à prendre, et inversement. Une fois qu’on a compris ça, on prend conscience que l’abondance n’est qu’une des composantes de la réussite à la pêche, la capturabilité des truites jouant un rôle largement aussi important. Une rivière remplie de poissons difficiles satisfera souvent moins un pêcheur qu’une autre, moins peuplée mais de truites faciles. 

Le rendement des parcours peu fréquentés tient à la capturabilité des truites plus qu’aux réglementations en place, souvent mises en avant pour l’expliquer.
Crédit photo : Marc Delacoste

Faciles à prendre 

Les pêcheurs connaissent bien, par exemple, la différence de capturabilité entre truites de pisciculture et farios sauvages. Il suffit d’introduire quelques poissons surdensitaires dans une rivière pourtant bien peuplée pour multiplier significativement les captures. Ils finissent souvent par représenter une bonne proportion, si ce n’est la majorité, des prises. Cette différence de capturabilité ne se limite pas au seul stade surdensitaire. Elle est également avérée avec des truites introduites au stade alevin. Des études ont clairement démontré qu’elles pouvaient représenter 50 à 70 % des captures des pêcheurs en n’étant pourtant présentes dans la rivière qu’à hauteur de 5 à 10 %. Ce qui démontre bien leur capturabilité très supérieure à celle des poissons sauvages, même après avoir grandi et passé du temps dans la rivière. 

Eh oui, même les grosses truites ont leurs moments de faiblesse.
Crédit photo : Marc Delacoste

Edifiant 

La capturabilité varie également d’une espèce à l’autre. Certains salmonidés, omble de fontaine, truite arc-en-ciel notamment, sont plus faciles à capturer. Une étude réalisée dans un cours d’eau peuplé de farios et d’arcs-en-ciel sauvages a montré que ces dernières, qui ne représentaient que 20 % de la population totale, concernaient 80 % des captures des pêcheurs. Un résultat édifiant. À l’inverse, la truite de mer fait preuve d’une capturabilité réduite comme le montrent les scores des pêcheurs, le plus souvent faibles dans certaines rivières pourtant remontées par plusieurs milliers de truites de mer. Des résultats qui sont très loin de refléter cette abondance. 

La qualité de la pêche à l‘étranger tient parfois plus à la capturabilité des truites qu’à leur supposée abondance.
Crédit photo : Pierre Fernandès

Elles apprennent 

La capturabilité dépend aussi de ce que nous avons coutume d’appeler éducation. Plus ils sont pêchés, plus les poissons semblent apprendre. Même les arcs-en-ciel peuvent devenir redoutablement sélectives. Tous ceux qui en ont fait l’expérience, sur des parcours no-kill très pêchés peuvent en témoigner. Et c’est ce qui explique en grande partie les différences observées entre rivières ou même entre secteurs. C’est pourquoi il est toujours intéressant de rechercher des secteurs d’accès moins aisé ou nécessitant simplement un peu de marche. Moins dérangées, les truites y sont souvent un peu plus faciles qu’ailleurs et la pêche y est globalement meilleure. C’est aussi ce qui fait que la pêche peut être meilleure dans des parcours privés ou encore à l’étranger, loin, dans des destinations difficiles d’accès. 

Même introduits au stade d’alevin, les poissons de pisciculture resteront toujours plus faciles à prendre.
Crédit photo : Marc Delacoste

Les petits malins

La capturabilité est donc une donnée importante, pour le pêcheur comme pour le gestionnaire. Elle explique que bon nombre de pratiquants se méprennent sur le peuplement de leur rivière favorite. Et que certains «petits malins» s’éclatent dans des rivières peu peuplées mais très peu pêchées. Elle démontre également en partie la faiblesse de l’introgression génétique (hybridation entre truites de pisciculture et truites sauvages) dans les rivières fonctionnelles, malgré des millions d’individus introduits depuis plus de 50 ans à tous les stades. Les truites de pisciculture font preuve d’une telle capturabilité que celles qui survivent à la très forte mortalité des premiers mois se font prendre avant d’avoir pu se reproduire. Cela explique aussi qu’une fréquentation forte et régulière a des répercussions significatives sur la qualité d’un parcours, indépendamment de son peuplement. Il faut très bien pêcher pour y réussir. 

Même introduits au stade d’alevin, les poissons de pisciculture resteront toujours plus faciles à prendre.
Crédit photo : Marc Delacoste

Succès fulgurants

Lorsque cette notion de capturabilité n’est pas prise en compte, elle explique des erreurs de jugement, mettant par exemple en avant une réglementation particulière. Elle explique enfin le succès fulgurant, mais souvent temporaire, de certains nouveaux modes de pêche, que les truites ne connaissent pas et face auxquels elles montrent une forte capturabilité. Ce fut le cas à l’arrivée de la cuiller tournante, par exemple (voir encadré). Plus près de nous, les minnows coulants ont permis de faire des pêches formidables à leurs débuts. Mais les truites s’en méfient désormais davantage. Et c’est bien pour ça qu’elles sont toujours là, encore nombreuses dans les rivières en bon état malgré ce que pensent certains. Il est vrai qu’il est toujours plus facile d’accuser la faiblesse d’un peuplement… que la précision de ses lancers !

Tous les poissons surdensitaires montrent une capturabilité très élevée. Même s’ils sont moins nombreux sur un secteur donné que les truites sauvages, ils vont représenter souvent la plus forte proportion des captures.
Crédit photo : Marc Delacoste

Le leurre miracle

La cuiller tournante fut qualifiée à sa sortie de leurre miracle, tant elle permettait d’enchaîner facilement les captures dans les rivières où elle n’avait jamais été utilisée. À tel point qu’elle inquiéta certains qui craignaient qu’elle ne finisse par les vider. Mais le miracle ne dura qu’un temps, celui pour les truites de s’y accoutumer et la cuiller rentra dans le rang. Elle fonctionne certes encore très bien aujourd’hui mais, comme tout leurre, lorsqu’elle est bien utilisée et dans le cadre qui lui convient.

 

 

Là au bon moment

La capturabilité d’un individu peut aussi varier dans le temps. Même la truite la plus sélective peut avoir ses moments de faiblesse et devenir vulnérable, lorsque certaines conditions la poussent dans une période d’activité frénétique. De grosses truites se font ainsi capturer facilement alors qu’elles avaient résisté aux meilleurs pêcheurs jusque-là. Et le chanceux qui était là au bon moment en a profité.

 

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Biologie - Environnement

Magazine n°918 - novembre 2021

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