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Pêche en nymphe, pêche aux leurres ?

Crédit photo Matthieu Vieilhescazes
Depuis quelques années, les pêches de la truite à la nymphe artificielle prennent une ampleur grandissante. Il s’agit peut-être même de l’une des plus grandes (r)évolutions en matière de pratiques que la pêche moderne ait connue au cours des dernières décennies, à l’instar des pêches en verticale, avec lesquelles les protocoles peuvent d’ailleurs présenter un bon nombre de similitudes. Voici donc le premier article – à caractère introductif – d’une série consacrée aux pêches de la truite en nymphe, ayant pour vocation de faire le tour des grands principes d’application, avant d’effectuer un zoom sur les mises en œuvre possibles (et conseillées !) durant la première partie de la saison de la pêche de la truite.

À l’échelle de l’histoire de la pêche à la ligne, l’utilisation de nymphes artificielles est bien plus récente que l’on ne pourrait instinctivement l’imaginer. Même si des traces apparaissent dans les décennies précédentes, chez Skues notamment, il est communément admis que la paternité des premières théorisations revient à Franck Sawyer, écrivain et garde-pêche sur l’Avon au Royaume-Uni, qui couche sur le papier ses approches à la fin des années 1950. C’est à cet homme que nous devons l’indémodable pheasant tail, modèle de nymphe classique parmi les classiques, qui occupe encore et toujours, près de 70 ans plus tard, une place de choix dans les boîtes de tous les pêcheurs, débutants comme ultra-confirmés. En ce qui concerne l’approche la plus moderne, dans laquelle la démocratisation des lests en tungstène joue un rôle primordial, nous ne sommes aujourd’hui qu’au tout début de l’histoire, qui a réellement démarré au début des années 2000, avec l’utilisation massive de ce matériau pour la réalisation de mouches s’immergeant facilement tout en conservant des tailles attractives pour capturer truites et ombres en toutes circonstances. Les pêcheurs français, et notamment bon nombre de compétiteurs de pêche à la mouche passés ou actuels, sont à l’origine de la montée en puissance et en technicité de ce qu’il convient désormais de qualifier de pêches en nymphe moderne.

La pêche en nymphe peut se pratiquer avec du matériel mouche.
Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Grands principes de la pêche en nymphe

Dans les grandes lignes, le principe même de la pêche en nymphe est simplissime : il s’agit de confier à une veine de courant une ou plusieurs nymphes lestées, en cherchant les bons équilibres dans les poids, les tensions et les angles, pour permettre une immersion et une dérive des imitations qui se rapprochent au mieux de ce que peut être la trajectoire d’une larve véhiculée librement au fil de l’eau. En entrant un peu plus dans les détails, les paramètres qui exercent une influence sur la qualité même de la présentation sont nombreux. Les points d’impacts, les niveaux de tension au moment de cet impact, le niveau de stratification des couches d’eau lui-même conditionné par la rugosité du fond, etc. sont autant de données que l’on intègre dans sa pêche, au fil du temps, et qui en font une course infinie vers une perfection forcément inatteignable. Nous reviendrons plus en détail sur ces grands principes dans les prochains numéros. Côté matériel, après quelques décennies d’un quasi-monopole de l’utilisation de nymphes artificielles par les pêcheurs à la mouche, deux approches s’affrontent désormais de manière de plus en plus équilibrée, depuis que les pêcheurs au toc se sont approprié massivement les nymphes, qui font désormais partie de leur arsenal. En ce qui concerne le matériel de pêche à la mouche adapté aux applications de pêche en nymphe, les pratiquants se tournent généralement vers des cannes longues, autour de 10’ pour conserver une polyvalence certaine avec les pêches en sèche, et 10’6 à 11’ pour des pratiques plus exclusives. Ces cannes sont complétées par un moulinet mouche, le plus souvent semi-automatiques, garnis dans certains cas uniquement de monofilament, et dans d’autres de soies relativement fines. Dans la pêche au toc, un matériel conventionnel constitué d’une canne anglaise – plutôt souple – d’une longueur de 3,30 à 3,90 m et d’un moulinet soit semi-automatique, soit spinning en taille 2500 (en fonction des distances de pêche) garni de monofilament fluo en 14 ou 16/100 constitue un équipement parfaitement adapté. Outre les préférences personnelles et les affinités des pêcheurs vis-à-vis de l’une ou l’autre des techniques de pêche en nymphe, les deux approches offrent chacune des points forts et faibles, qui peuvent grossièrement se résumer de la manière suivante : l’utilisation d’un matériel et d’une gestuelle « mouche » offre une cadence de pêche inégalable et un confort élevé dans l’utilisation de poids très légers, mais une amplitude de pêche qui peut s’avérer limitée dans les grands milieux. À l’inverse, une canne anglaise offre des possibilités de pêche à distance et dans des volumes d’eau importants qui sont très supérieures. Dans les deux cas, la ligne sera complétée par un indicateur visuel (fluo bicolore, peinture à flotteurs, guide-fil) et un bas de ligne qui recevra deux nymphes, l’une en potence et l’autre en pointe, avec un espacement moyen d’une cinquantaine de centimètres.

Les nymphes modernes, un leurre plutôt qu’une imitation réaliste
Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Les nymphes, des leurres ?

La question est rhétorique, et il est inutile de ménager un faux suspense sur ce point : les nymphes sont à proprement parler des leurres, elles présentent des signaux, principalement visuels, qui visent à déclencher des touches, sur la base de curiosité alimentaire dans un grand nombre de cas. Dans sa structure, une nymphe est en premier lieu un volume, conditionné par la taille de l’hameçon sur lequel elle est dressée, et par les matériaux utilisés qui dessinent sa silhouette. Plus ces matériaux seront volumineux et ébouriffés, comme dans le cas des nymphes en dubbing, plus la trace visuelle sera grande. À l’inverse, le corps fin et vernis d’une perdigone offrira une silhouette fine et furtive. Au-delà du volume, l’intensité visuelle est d’une importance capitale sur une nymphe, au même titre par exemple que celle qu’offre un leurre souple grâce aux éléments le composant : vivacité de la couleur, transparence, paillettes, éléments UV, couleur de la tête plombée, etc. Cette intensité se manifeste de deux manières distinctes. En premier lieu, les éléments fluorescents – et donc UV – apportés par des tags (le plus souvent rouge, orange ou vert fluo) sont ceux auxquels on apporte généralement la plus grande attention. Au même titre qu’une tête plombée rouge pour une pêche de sandres, ce type de signal peut constituer un facteur déclenchant, tout comme inhiber les touches, et ce sont les conditions de pêche ainsi que le niveau d’activité des poissons qui permettent de manière empirique, par un jeu d’essais-erreurs, de déterminer s’il est pertinent de les utiliser à un instant donné.

En début de saison, les bordures de courant sont à prospecter en priorité
Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Dans le même registre, le niveau de brillance donné à une nymphe, par exemple grâce à l’utilisation de tinsels, conditionne également le nombre de touches déclenchées. Là encore, une brillance trop faible peut réduire le nombre de captures, quand un niveau de brillance trop élevé peut présenter un effet inhibiteur. Il s’agit toujours de trouver le bon endroit où placer le curseur de la brillance. Du fait du grand nombre de possibilités, le réglage est extrêmement subtil. Dans tous les cas, même si le piège de l’imitation à tout prix est tentant pour un débutant, il est primordial de garder à l’esprit qu’une nymphe est avant tout une combinaison de signaux qui doivent être suffisamment importants pour déclencher un maximum de touches tout en ne l’étant pas trop pour ne pas rebuter les poissons. Il s’agit exactement de la même mécanique que celle d’un leurre. Tout comme un coloris real skin ou une imitation de forme n’apportent au mieux pas d’efficacité réelle à un leurre, les imitations exactes de larves relèvent le plus souvent de la fausse bonne idée, qui empêche de se poser les bonnes questions sur les facteurs visuels déclencheurs à un moment donné.

Une bien belle truite prise en début de saison
Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Réussir son début de saison

Contrairement aux idées reçues, et là encore au même titre que dans la pêche des carnassiers, l’eau froide est loin de constituer un frein à l’efficacité des appâts artificiels. En effet, le métabolisme des poissons étant ralenti, la sollicitation de la curiosité alimentaire chez les truites, au-delà du phénomène d’alimentation pur, permet de déclencher des touches qui ne seraient pas intervenues en présentant, par exemple, un appât naturel au toc. Les possibilités de présentations ralenties, très proches du fond, qui ne demandent pas aux poissons de courir après leur proie pour s’en saisir, offrent quant à elles un avantage réel sur les approches aux leurres traditionnelles, qui en fonction du niveau de stratifications des couches d’eau et des configurations des postes ne permettent que rarement autant d’insistance avec une grande précision. Pêcher la truite en nymphe aux mois de mars et avril est donc souvent gage de résultats d’une grande régularité. Dans ces eaux froides de début de saison, il est donc conseillé de chercher des veines ralenties dans lesquelles les truites ne sont pas soumises à une pression trop importante du courant. Les bordures molles, à côté des courants plus soutenus, sont régulièrement occupées.

Matthieu et un superbe bécard à bosse.
Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Attention à ne pas tomber dans le piège des secteurs trop profonds (et donc généralement ralentis) dans le cas où un début de fonte des neiges est enclenché. La turbidité relativement élevée empêche les poissons de pouvoir exercer une prédation efficace dans ces contextes, et s’ils constituent la cible privilégiée des pêcheurs en début de saison, ils n’en sont pas moins faiblement occupés si la quantité de lumière qui pénètre dans l’eau n’est pas suffisante. Aux heures les plus chaudes, en cas d’émergences de baetidés, il ne faut pas hésiter à intensifier l’effort de pêche dans les têtes de courant de faible hauteur. Les poissons peuvent s’y attabler pour une paire d’heures en faisant preuve d’une activité alimentaire courte mais soutenue. Côté nymphes, privilégiez les billes argent (sauf peut-être aux heures des émergences où le cuivre mérite d’être utilisé également), les nymphes de grandes tailles (10/12/14) avec des corps ébouriffés et une grande intensité visuelle (tag et/ou cerclage en tinsel).

La pêche en nymphe impose une bonne lecture de l’eau.
Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Pour conclure

Les pêches en nymphe modernes sont dotées d’un intérêt immense pour qui souhaite diversifier ses approches autour des pêches de la truite, en ne nécessitant qu’un matériel restreint. Que l’on soit au départ pêcheur à la mouche, pêcheur au toc ou pêcheur aux leurres, chacun peut y apporter son prisme de lecture de ce qu’est la pêche de la truite, et construire sa pratique en fonction de ses envies, de ses attentes et son caractère propre. La mise en application est simple et les densités de truites dans nos rivières françaises permettent de réaliser des captures rapidement, y compris avec un bagage limité dans un premier temps. Mettre un pied dans ces applications, c’est mettre un pied dans un vaste univers d’une finesse insoupçonnable, passionnant à souhait, et avant toute autre chose, extrêmement efficace !


Crédit photo : Matthieu Vieilhescazes

Les nymphes en pratique

Tailles : les tailles d’hameçons conventionnelles s’étalent de la taille 10 à la taille 18 pour les pêches au fil de l’eau. Globalement, plus la saison avance, et plus les tailles utilisées diminuent.

Poids : les lestages des nymphes sont exprimés en millimètres, qui correspondent au diamètre de la bille tungstène utilisée. Les poids les plus fréquents varient de 2,4 mm (+/- 0,1 g) à 4 mm (+/- 0,5 g). Pour les lestages les plus élevés, il est possible d’utiliser des javis (corps intégralement en tungstène) qui présentent des poids de 0,5 g, 0,75 g, 1 g ou encore 1,5 g. Les choix doivent être effectués en fonction de la puissance et de la profondeur des veines d’eau pêchées et par le comportement que l’on souhaite donner à la dérive des imitations.

Propriétés d’immersion : Indépendamment du lestage, les matériaux qui constituent le corps des nymphes conditionnent grandement leur capacité à percer les couches d’eau. Plus un modèle sera ébouriffé, plus il offrira une dimension planante, là où une nymphe lisse aux frottements limités s’immergera beaucoup plus rapidement.

Intensité visuelle et saisonnalité : Les tags fluos, grands (derrière la bille) ou petits (à l’arrière de la nymphe) de couleurs rouge, orange et verte sont à tester de manière empirique. Il est des jours où ils déclenchent plus de touches, des jours où au contraire ils les inhibent, et des jours où ils ne semblent pas présenter d’effet, ni dans un sens ni dans l’autre. En revanche, pour ce qui concerne les niveaux de brillance, il est important d’adapter leur intensité à la quantité de lumière qui pénètre dans l’eau et à la température de cette dernière. Plus l’eau est froide et/ou teintée, plus la pêche est profonde et plus la couverture nuageuse est importante, plus l’adjonction de brillance sera nécessaire pour déclencher un maximum de touches. Cette brillance passe par l’intensité de la bille, plutôt couleur argent pour une intensité élevée en début de saison, et par celle des tinsels utilisés pour la réalisation ou le cerclage du corps des nymphes.

 

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